Conférences

Qu’est-ce que fonder ? Cours hypokhâgne, Lycée Louis le Grand 1956-1957
Cours du 30/11/1955

(Notes manuscrites prises par Pierre Lefebvre)

QU’EST -CE QUE FONDER ?

(Le début manque : Deleuze commençait par évoquer les héros fondateurs de la mythologie. Ex. Ulysse)

…Les empiristes ont raison : ce que nous réalisons ce sont les fins naturelles.

Mais le comportement a peut-être d’autres dimensions. Peut-être y a-t-il dans le comportement des fins que la réalisation passe dans l’inconscient ?

L’homme, d’une part, peut réaliser des fins naturelles et en même temps, du fait qu’il est homme ne se produit il pas quelque chose en lui ? Il transforme les fins naturelles. Quelle est la fonction d’une cérémonie et d’un rite ? Celui-ci se distingue de la fin naturelle. Soit un groupe social, la famille, dans son aspect cérémoniel. Elle agit bizarrement. Elle arrache à la nature des déterminations pour en faire des évènements de l’histoire : manger, aimer, dormir et mourir. La fonction de la famille c’est la nourriture en commun,

La sexualité, le sommeil, la mort. La mort est une détermination de la nature. La famille en fait un évènement de l’histoire en la recueillant dans la mémoire.

Cette activité du rituel il faut l’appeler cérémonie. De même la sexualité devient évènement de l’esprit sous la forme par exemple du consentement. La nature est portée au niveau de l’histoire au cours de la cérémonie.

C’est en même temps que l’homme transforme…et qu’il réalise des fins naturelles par des moyens indirects .

Le comportement humain a donc trois pôles : les fins naturelles sont des fins naturelles transformées, les fins naturelles subsistent en elles-mêmes en dehors de la cérémonie. L’homme les réalise donc. Mais si l’homme ne réalise pas les fins naturelles cela ne veut pas dire qu’elles n’existent pas. Elles ne se donnent pas à réaliser parce que la transformation des fins naturelles en fins culturelles rend celles-ci infinies. Il faut prendre cela à la lettre. Les morts que nous aimons c’est une tâche pour nous inépuisable. Peu importe qu’on s’en détache. Elle n’en reste pas moins infinie. Dire je t’aime au lieu de dire je te désire c’est se proposer une tâche infinie. Celle-ci ne se présente donc pas comme à réaliser. Mais à quoi sert-elle ? On dira qu’elles sont seulement pensées, senties.

Si alors la mythologie est l’imaginaire c’est que les tâches infinies ne sont pas à réaliser. La mythologie nous présente cet état des tâches infinies qui nous sollicitent autrement qu’à réaliser.

Les dieux passent leur temps à boire une boisson qui leur est réservée. En essayant de vivre un symbole on en retrouve le sens. Les Dieux immortels passent leur temps à boire. A l’origine il y a deux groupes de surhomme qui luttent pour devenir des dieux. L’enjeu de la lutte est la boisson qui rend immortel. Alors les dieux sont immortels parce qu’ils boivent. C’est la transformation de la fin naturelle, boire, en une tâche infinie. Si les dieux cessaient de boire ils ne seraient plus immortels.

Ce à quoi les tâches infinies servent c’est que seules elles permettent à l’homme de réaliser les fins naturelles d’une façon qui ne soit plus simplement directe. C’est pourquoi le cynisme est antiphilosophique. Il faut prendre le cynique au mot. Qu’est-ce qui permet le piège. Le détour que le cynique voit. C’est précisément que le cynique nie la transformation des fins naturelles en fins infinies.

Mais les fins naturelles ne sont pas encore des fins de la raison. Ce sont des valeurs, des sentiments qui sont sentis, vécus.

Que faudra t’il alors appeler raison ? Si les fins naturelles se présentent à leur tour à réaliser cette fois-ci se seraient des tâches infinies qui réclament à être réalisées. Elles deviendront la fin propre de la raison. Celle-ci est la pensée lorsqu’elle se donne à réaliser elle-même.

Il y a donc maintenant quatre termes :

- les moyens indirects

- les fins naturelles

- les fins culturelles senties

- les fins culturelles de raison

Qu’est-ce alors que la tâche infinie de réalisation ?

Kant et Hegel disent que c’est la volonté qui se recueille elle-même ou s’élève a l’absolu quand elle est volonté de liberté. Dans cette volonté de liberté il y a l’activité de l’être raisonnable qui consiste à réaliser la tâche infinie. Pour Hegel cette réalisation se fait dans une Histoire.

Le fondateur est alors celui qui pose et propose une tâche infinie

Comment la propose t’il et sur quel ordre ?

Fonder c’est élever la nature au niveau de l’histoire et de l’esprit.Tous ceux qui nous proposent des valeurs se réclament d’une fondation.

Quand donc le problème de fonder devient-il philosophique ? A partir du moment où le fondateur nous propose des tâches infinies comme quelque chose qui doit être réalisé dans ce monde même. La notion de fondation devient alors plus claire.
Dans la première manière l’homme s’éprouve comme être sentant et dans la seconde comme être raisonnable. D’une manière à l’autre la fondation prend conscience de soi. Il ne s’agit plus de fonder au niveau des valeurs mais de s’interroger sur ce qu’est fonder.

Il faut fonder la fondation elle-même.

CONCLUSION du chapitre I

Des quatre caractères du fondement on peut retenir le caractère équivoque du fondateur. Celui-ci est moins celui qui fonde que celui qui se réclame d’un fondement. A la lettre fonder c’est se réclamer d’un fondement. Ex. Moïse est fondateur car il apporte une religion en prétendant qu’elle est fondée.

Il faudra se demander quel est cet être bizarre se réclamant du fondement. D’où les expressions « bien et mal fondé » Une nouvelle recherche s’ouvre : quand se réclame t’on d’un fondement ? Quand on ne rapporte plus son activité à soi agent.

Mais quand invoque t’on autre chose ? C’est, nous l’avons vu, passer de la mythologie à la philosophie en trouvant un sujet commun à ses actes (caractères). Cette racine commune c’est la tâche infinie. Nous avons vu que dans le comportement humain il y avait quatre caractères :

1- l’homme poursuit des fins naturelles.

2- Il poursuit ses fins obliquement. Il agence des moyens.

3- Qu’est-ce qui rend possible un tel détour ? C’est qu’en même temps et autre

part les fins de la nature retentissent dans l’imagination. Elles se transforment en valeurs ou fins originales de l’homme. Ce sont elles qui justement se présentent comme des tâches infinies, mais qui en elles-mêmes ne sont pas à réaliser. Elles sont à éprouver. Elles déterminaient un genre d’action : la cérémonie et le rituel. Ce sont elles qui permettent la réalisation indirecte des fins de la nature. L’homme est déjà fondateur. On répond à la question : à quoi sert de fonder ?

4- Ces fins originales de l’homme ne sont pas encore celles de la raison. Celle-ci

comme fin suprême ne pouvait se présenter que dans la mesure où les tâches infinies deviennent elles-mêmes comme choses à réaliser.

Les valeurs ont un caractère extrêmement ambigu. Il y a toujours en elles, semble t’il, une espèce de mystification. (cf. la philosophie des valeurs). La notion de valeur a été créée par Nietzsche dans « La Volonté de Puissance ». Pour lui il n’y a pas de vérité, il n’y a que des évaluations. Affirmer que tout est valeur c’est présenter une mystification qu’il faut détruire. D’où la polémique de Nietzsche. Au contraire les philosophes des valeurs refusent cette mystification. Mais elle y est tout de même. On ne sait plus de quoi on parle.

Le cynisme a tort car il veut qu’on s’en tienne aux fins de la nature alors que les valeurs sont les règles d’une détermination indirecte des fins de la nature. Où ils ont raison c’est que les valeurs ne sont qu’un moyen. Mais soumises au tribunal de la raison les valeurs deviennent la fin de l’être raisonnable.

Réaliser l’homme n’a pas de sens. Comment se fait donc la conversion ? La tâche infinie comme valeur était un contenu de la volonté. Il s’agissait d’autre chose que d’un simple désir. Aimer c’est d’abord vouloir. La volonté au niveau des valeurs avait un contenu qui lui était extérieur, hétéronome (Kant). « Je veux boire » est autre chose que « je désire boire ». Mais la volonté est encore extérieure au contenu de la volonté.

La conversion est simple. Ces valeurs à réaliser perdent leurs figures particulières parce que la volonté devient autonome. C’est une volonté qui ne veut pas autre chose qu’elle-même. Une volonté qui ne veut pas autre chose que son propre contenu. L’autonomie est présentée comme universalité. C’est là exactement la volonté autonome de Kant. C’est la volonté de liberté (liberté universelle). La morale kantienne (Critique de la Raison Pratique) consiste à dire qu’il y a bien une liberté de la volonté lorsque celle-ci veut et ne veut rien d’autre que la liberté.

La diversité des valeurs venait de ce qu’elles étaient des fins naturelles transformées. Elles étaient encore rattachées aux fins naturelles. Mais lorsque la volonté détermine son propre contenu il n’y a plus de diversité des valeurs.

Les fondations ne sont plus des tâches infinies qu’on se présentait comme valeurs. La fondation devenait conceptuelle. On passe de la mythologie à la philosophie.

Chapitre II

« CE QUI FAIT L’ ETRE ESSENTIEL D’UN FONDEMENT OU RAISON » (Heidegger)

Introduction

Heidegger veut chercher le fondement du fondement. Il pense que la recherche s’arrête avec la raison de la raison. »La liberté est le fondement du fondement, la raison de la raison »

Nous avons vu que fonder c’est se réclamer d’un fondement, poser une question comme déjà fondée. Alors qu’est-ce qui se réclame d’un fondement ? Qui a besoin que son action soit fondée ?

C’est celui qui prétend. Prétendre c’est prétendre à quelque chose en vertu d’un droit. Peut-être ce droit est-il inventé, lui dira - t’on, que ce droit n’est pas fondé. On prétend à la main de la fille et au pouvoir et parfois aux deux à la fois (cf. Ulysse). Que veut dire ici le droit ?

Toute prétention présuppose un droit. On peut avoir mauvais caractère à cause des humeurs. Il est juvénile. Dans le vieillissement le mauvais caractère s’exerce au nom d’un droit. C’est l’indignation. La mauvaise humeur se réclame d’un droit. Il y a deux manières d’avoir faim. En elle-même c’est l’état du besoin qui se présente comme le fait dans l’expérience de l’urgence. On cherche à satisfaire sa faim. Tout est rapport de force. Mais l’état d’urgence ça veut dire un certain temps, un besoin de retenir un certain temps déterminé et limité. Le besoin est notre expérience la plus profonde d’être dans le temps.
L’autre manière d’avoir faim : quand l’homme a faim il peut arriver qu’au lieu de chercher à manger dans la nature il revendique. Il y a un rapport de fait et de force. Mais n’est-ce pas l’exigence qui a été fondée ?

Le fondement c’est donc ce qui nous donnera ou ne nous ne donnera pas le droit. Il se présentera comme le tiers. Le fondement ou tiers fondement. Prétendre c’est prétendre à quelque chose. En prétendant on prétend comparaître devant ce qui peut donner ou confirmer son droit. C’est accepter de se soumettre à l’épreuve. Le fondement est le tiers parce qu’il n’est ni le prétendant, ni ce à quoi il prétend, mais il est l’instance qui rendra le prétendu docile au prétendant. Jamais l’objet en lui-même n’est soumis à la prétention. L’exigence et la prétention viennent toujours du dehors sur l’objet. Exemple : en réclamant la main de la fille on peut se réclamer de quoi ? On prend comme arbitre le père qui est le tiers, le fondement. Mais le père peut dire : faites une épreuve, tuer le dragon. Ce qui fonde alors c’est l’épreuve. Affronter le fondement n’est pas sans danger. Les prétendants n’ont ni Pénélope, ni le pouvoir.

Le père peut- dire aussi que ça dépend d’elle. Il y a encore un tiers. L’amour que la fille éprouve n’est pas comme son être lui-même mais le principe qui rend son être docile à la prétention.
Il y a toujours un tiers et il faut le chercher puisque c’est le fondement qui se présente comme un tiers.

Mais est-il tiers parce qu’il vient en troisième ? Certainement pas. Il est même le premier. Mais il est tiers parce qu’il agit dans l’ombre, dans l’inconscient. Il est premier. Ce qui est au commencement, voilà le tiers. Une exploration de l’inconscient sera donc sans doute nécessaire.

Mais pourquoi revendique t’on ? Puisque ce n’est pas sans danger c’est que ça sert à quelque chose. Sans doute ce quelque chose m’est donné d’une nouvelle manière. De plus se réclamer d’un droit c’est perdre du temps. Cette perte doit être compensée. Mais par le détour ne risque t’on pas de perdre de vue ce à quoi on prétend ?

Pourquoi les philosophes disent-ils du fondement qu’il est un tiers ? Définition plus philosophique : le fondement est l’instance invoquée par et dans l’exigence ou la prétention comme devant soumettre la chose à cette prétention.

Question : à force de m’intéresser à ce qui soumet la chose à la prétention ne risquerai-je pas de perdre de vue la chose elle-même et moi en même temps ?

I - De Hume à Kant : formation de l’idée kantienne du transcendantal.

Kant a eu à sa manière une position telle que le problème du fondement était posé par rapport à la prétention.

C’est une notion mystérieuse de Kant : le transcendantal. Pour comprendre cela il faut partir historiquement de Hume à qui Kant doit beaucoup, bien que le premier soit empiriste. Kant va s’apercevoir que le problème de fond doit être posé autrement. (Hume ne l’avait pas vu mais c’est grâce à lui qu’il continue.) Hume a apporté quelque chose de nouveau : l’analyse de la structure de la subjectivité. Le mot sujet, comme par hasard, est très rarement employé par Hume. Ce n’est peut-être pas par hasard. Hegel lui aussi analyse la subjectivité sans prononcer le mot sujet. De même Heidegger qui va plus loin et qui dit qu’il ne faut pas employer le mot sujet. Il faut le désigner par la structure essentielle qu’on a trouvée. Quand on a défini le sujet il n’y a plus de raison d’en parler. Heidegger, Hegel nous disent tous que le sujet c’est se développer. Hegel l’analyse dialectiquement. Se développer c’est se transformer etc. L’essence c’est la médiation. Heidegger dit que l’essence de la subjectivité c’est la transcendance. Avec un sens nouveau : avant c’était l’état de quelque chose dit transcendant, avec Heidegger c’est le mouvement de se transcender. C’est le mode d’être du mouvement à ce qui se transcende.

Hume se demande : qu’est-ce que connaître ? Il nous dit c’est dépasser le donné. La connaissance est définie comme dépassement.

Analogie des trois auteurs.

Connaître c’est dépasser parce que c’est dire plus que ce qui est donné. Je dis le soleil se lèvera demain. C’est un jugement posé comme vrai. Il implique, semble t’il, l’affirmation de quelque chose qui n’est pas donné. C’est par exemple : « toujours demain » qui n’est pas donné. Ce qui m’est donné c’est que le soleil s’est levé tant de fois et je sais que dans le passé il n’a pas cessé de se lever. Je ne dis pas qu’il s’est levé toujours mais qu’il se lèvera demain. (Il en est de même pour l’eau qui bout à 100°)

Hume a pressenti le problème du fondement. La question « de quel doit » (quid juris) est posée. Hume dans « le Traité de la Nature Humaine » dit : je ne discute pas le fait, je ne suis pas sceptique. Il faut dire que le soleil se lèvera demain. Il en est persuadé. Mais son problème c’est d’où vient cette raison. C’est le problème du fondement de l’induction. Il est persuadé que c’est dans la nature humaine de dire que l’eau boue à 100). Mais de quel droit le dit-on ? De quel droit fait-on une inférence du passé au futur. Si je juge je dépasse le donné, mais ce n’est pas le donné qui peut expliquer que l’homme dépasse le donné.

Hume tombait sur un problème extraordinaire. Il pose le problème ainsi : connaître c’est dépasser (ce qu’on appelait prétention, exigence). Mais d ‘où cela vient ?

C’est se demander ce qui fonde la connaissance. Et selon Hume ce ne peut être qu’un principe subjectif. Ce n’est pas l’objet c’est le sujet qui permet de trouver le

fondement. C’est lui qui dépasse, qui suscite le problème du fondement.

Ce qui fonde la connaissance ne peut donc pas être cherché du côté de l’objet connu.

La réponse de Hume peut paraître extraordinairement décevante. Cela vient de son génie lorsqu’il posa extraordinairement le problème. Cette réponse c’est que c’est le principe de la nature humaine qui permet de dépasser ce qui est. Ce principe c’est l’habitude. Que veut-il dire ? Ce principe c’est la possibilité qu’à l’homme de prendre des habitudes. Selon lui l’habitude implique une répétition des cas semblables et c’est l’expérience qui la fournit (1000 fois j’ai vu le soleil se lever) L’expérience livre une répétition de cas semblables. La répétition ne change rien dans l’objet lui-même. Chaque cas logiquement est indépendant de l’autre. Il faut pour cela que la nature humaine y soit disposée. D’où chez Hume l’étrange identité de la raison et de l’habitude. Hume a posé généralement le problème mais n’y a pas répondu. Le principe lui semble psychologique. En ce sens sans Hume il n’y aurait pas eu Kant qui en retient la légitimité du fondement.

Kant va pousser le problème jusqu’au bout et va dépasser cette interprétation psychologique. Pour Kant le fondement doit être un principe subjectif mais ne peut pas être psychologique. Ce sera une subjectivité transcendantale.

Kant parle d’une remarque : il y a un fait curieux. Non seulement le sujet dépasse le donné mais le donné se soumet à ce dépassement. C’est vrai que l’eau se soumet au jugement de l’homme et boue bien à 100°. Le donné est singulièrement hostile à ce dépassement. Kant conclu que Hume n’a pas expliqué cela. Pour une raison c’est qu’il ne pouvait pas, il a conclu que c’est un principe de notre nature humaine. Kant nous dit que la nature humaine dépasse le donné de la nature et en plus voilà que la nature se soumet à ce dépassement. Comment expliquer que la Nature se soumette à la nature humaine ? Hume avait pensé à cela et dit « c’est qu’il y a une harmonie entre les principes de la Nature et la nature humaine ». Sur cette harmonie il est très discret. Il dit si on veut invoquer Dieu c’est pas cela. Mais Hume n’invoque guère Dieu. Il invoque Dieu pour les besoins de la cause. Il avait besoin de Dieu. On pourrait se dire : qu’est-ce qu’il y a d’étonnant qu’il y est cette harmonie ? Mais on ne peut pas dire à ce point là que les principes de la nature humaine et ceux de la Nature s’accordent puisque les premiers sont ceux par lesquels justement je dépasse la nature humaine. Il devra y avoir soumission de la Nature à la nature humaine.

Cette réponse de Hume était cohérente mais ne renseignait guère et était inquiétante de la part d’un auteur qui attaque l’idée de Dieu.

Quelle sera alors la thèse de Kant ? Pour lui on n’a pas le choix. Il faut bien que le donné par lui-même (la Nature) soit dès lors soumis à des principes du même genre que ceux auxquels la nature humaine est soumise et non pas l’inverse. Il faut que le soleil en tant que donné soit soumis à des principes du même genre que ceux dont dépend ma conscience du soleil, quand je dis le soleil se lèvera demain.

Le fondement dès lors ne peut plus être psychologique. Maintenant le principe selon Kant doit être principe de la soumission du donné à la connaissance. Le principe qui rend la connaissance possible, qui la fonde, doit en même temps rendre nécessaire la soumission du donné à cette même connaissance. Le principe n’est donc plus psychologique car il ne l’était que dans la mesure où il était seulement principe de connaissance. D’où le paradoxe de Kant : le fondement est subjectif mais il ne peut plus d’agir de vous et de moi. Le sujet n’est pas nature.

Ce que Kant va appeler sujet transcendantal c’est ce sujet qui va se distinguer de la subjectivité empirique ou psychologique car il va rendre compte de ce que le donné se soumet au dépassement que j’opère. Ce qui rend la connaissance possible doit rendre nécessaire la soumission du donné à cette même connaissance.

En style kantien qu’est-ce que cela donne ? Dans « La Critique de la Raison Pure », dans la première édition seulement et supprimée dans la second car il était trop clair et pouvait conduire le lecteur à l’erreur, on le trouve à la fin. C’est le texte des trois synthèses (2e section). La synthèse du divers a un triple aspect.

Ces trois aspects sont :

- synthèse de l’appréhension dans l’intuition.

- synthèse de la reproduction dans l’imagination.

- Synthèse de la recognition dans le concept.

Si le donné n’était pas soumis à des principes du même genre que ceux qui rendent la connaissance possible : « notre imagination empirique (c’est à dire notre faculté de connaître comme par citation, faculté de passer d’une représentation à une autre suivant une règle) n’aurait jamais rien à faire qui fut conforme à sa puissance et par conséquent demeurerait enfoui dans le fond de l’esprit comme une faculté morte et inconnue à nous.

II- Caractères du fondement dans La Critique de la Raison Pure

Les trois œuvres majeures de Kant :Critique de la Raison Pure ( fondement de la connaissance) ; Critique de la Raison Pratique (morale) ; Critique du jugement (vivant et œuvre d’art.

La subjectivité transcendantale au niveau du premier livre reste une exigence logique. La connaissance est un fait nous dit-il. C’est un fait qu’il y a des mathématiques, qu’il y a de la physique. La connaissance en effet réussit.

La question posée par Kant c’est : à quelle condition la connaissance est-elle possible ?

Mais quelles sont les conditions de possibilité ? Quid juris ? C’est une position tout à fait originale. Puisque c’est un fait que nous connaissons nous ne pouvons pas échapper à l’idée que les objets doivent être soumis à des principes du même genre que ceux qui règlent la connaissance. L’idée de subjectivité transcendantale doit être déduite à partir d’un état de chose. Que l’idée de subjectivité transcendantale soit indispensable ce n’est pas donner un être en lui-même. ( Les deux autres livres précisent la richesse de la subjectivité transcendantale.

Chez Kant le fondement a trois caractères :

Condition, Localisation et Limitation.

1) le fondement est condition.

La condition c’est ce qui rend possible. C’est donc une notion curieuse puisqu’il

s’agit de la connaissance. Il y a un principe qui rend la connaissance possible.

Le problème classique de la possibilité change tout à fait de sens. La possibilité est condition de possibilité. Pour les classiques le possible c’est le non - contradictoire : le cercle carré est impossible. Ce qui « n’implique pas »( sous entendre contradiction) cela est possible. Mille choses ne sont pas contradictoires et ne sont pas pourtant réelles. Le possible était donc une notion logique et c’était l’être en tant qu’il n’impliquait pas contradiction. Le non contradictoire constituait l’être même du possible. Le problème de l’existence était posé comme le passage du possible au réel.

Dans l’entendement de Dieu il y a le système de tout ce qui est possible et Dieu par un acte de volonté fait passer au réel certains possibles. (Cf. Malebranche, Leibniz ) .

Le possible devient possibilité de l’être lui-même. Il conditionne l’être lui-même. Or il y a une discontinuité indubitable pour Kant entre le possible et le réel. L’idée de 100F c’est toujours l’idée comme possible. L’idée pose l’objet comme pouvant exister. L’idée de quelque chose est toujours comme pouvant exister et l’existence n’ajoute rien à l’idée. L’existant est toujours extérieur à l’idée : il n’y a pas de passage du possible au réel. L’existence n’est pas donnée dans un concept, elle lui est donnée dans l’espace et le temps. Ceux-ci sont les milieux existants. Kant s’interroge sur les conditions de possibilité de l’être existant. Il s’agit à la lettre d’une espèce de logique de ce qui est. Le fondement est précisément le principe qui rend possible. Voila pourquoi Kant oppose à la logique formelle la logique transcendantale qui est l’étude du non contradictoire. La contradiction c’est le néant. Mais Kant au lieu de considérer logiquement ce qui n’implique pas contradiction va en faire une fondée sur les conditions de possibilité. Le fondement rend quelque chose possible en rendant nécessaire la soumission d’autre chose à cette même connaissance. Le fondement fonde quelque chose en rendant nécessaire la soumission d’autre chose à ce qu’il fait. C’est le tiers. Kant dit que la condition de l’expérience est en même temps la condition des objets de l’expérience.

Le phénomène kantien n’est pas du tout l’apparence. On l’interprète souvent comme un compromis apparence/être. C’est ne rien comprendre car Kant veut dépasser apparence / être. Le phénomène n’est pas une apparence qui cacherait l’être mais l’être en tant qu’il apparaît. Le « noumène » c’est le pur pensé et il ne se distingue pas du phénomène comme apparence et réalité mais comme être qui apparaît et être purement pensé.

Le fondement fonde en rendant possible. Il rend possible en soumettant l’être à la connaissance et cela se manifeste dans l’opposition.

2) Le fondement localise.

Le fondement se développe. Ce qu’il fonde il le pose dans un donné, dans un milieu. La connaissance est précisément dans le milieu et presque au milieu de ce qu’elle connaît. Or elle connaît les phénomènes. Le fondement en rendant la connaissance possible situe la connaissance dans le domaine des phénomènes. Elle sera connaissance des phénomènes. Il n’y a de connaissance que phénoménale. Le noumène, être purement pensé n’est pas objet de connaissance. Ce qui est fondé : la connaissance est située dans un milieu exactement défini par ce qui était rapporté essentiellement à la connaissance. D’où une formule étonnante ; « la connaissance ne commence qu’avec l’expérience mais elle n’en dérive pas. » Kant dépasse ou prétend dépasser les empiristes et les rationalistes.

Pour les premiers la conscience ne commence qu’avec l’expérience. Kant leur donne raison. (Je ne peux pas dire avant l’expérience que le soleil durcit l’argile ou le fait fondre.) Mais les empiristes ont oublié que la connaissance ne dérive pas de l’expérience. Ce n’est pas ce que nous connaissons dans l’expérience qui fonde dans l’expérience. Ce qui rend la connaissance possible n’est pas donné dans l’expérience. C’est pourquoi ces conditions sont transcendantales. Je ne connais aucun objet à priori. Je dois attendre l’expérience pour connaître. Il n’en reste pas moins que je sais sur l’objet quelque chose à priori : qu’il sera dans l’espace et dans le temps et qu’il remplira certaines conditions, à la fois conditions de la connaissance et conditions de l’objet de la connaissance.

Enfin je sais de tout objet qu’il est soumis à la causalité, qu’il est un et multiple.

Mais quelles sont ces conditions ? L’un, le multiple, la causalité sont des catégories. Kant fait une table des catégories. Il y en a douze (pas espace et temps). Ce sont les prédicats, les attributs universels qui sont attribués à tous les objets possibles. Je ne connais aucun objet à priori mais je sais à priori toutes les conditions auxquelles un objet quel qu’il soit est nécessairement soumis.

Le fondement doit faire de la connaissance, une connaissance des phénomènes.

3) Le fondement limite

Il impose à la connaissance une limite. Si je prétends quelque chose à priori sans expérience, par là même je dépasse les limites de la connaissance. Et quand on a cette prétention ? Quand je fais de la métaphysique. Quand je pense que les catégories, au lieu d’être les conditions des phénomènes, me font connaître un objet en soi. La métaphysique au lieu de dire tout objet est soumis à la causalité, pense que le principe de causalité fera connaître quelque chose indépendamment de l’expérience : l’âme ou le monde ou Dieu.

D’où le fameux thèmes de « La Critique de la Raison Pure » : une critique de la métaphysique, non parce qu’il voudrait la remplacer par la science (comme les scientistes) mais par ce qu’il veut la remplacer par la logique transcendantale. Substituer à la philosophie science une réflexion sur les possibilités de la science. L’idée de science n’est pas scientifique. Seule une analyse philosophique peut justifier cette idée, le fondement de la connaissance en lui donnant des bases qu’elle ne peut pas dépasser.

L’ennemi de la connaissance n’est plus seulement l’erreur. Elle est menacée du dedans par une tendance, une illusion selon Kant, à dépasser ses propres limites.

Kant essaye alors dans la dernière partie de nous montrer que nos questions sur le monde etc. sont des faux problèmes.

Ces trois sens se retrouvent chez un auteur qui en ce sens n’a pas tort de se réclamer de Kant : Heidegger. Cf. son livre sur Kant et la métaphysique. Pour Heidegger le monde est structure de l’existence humaine. Alors la notion de monde ne peut plus être séparée de la manière d’être de l’homme. Celle-ci est la transcendance ou le dépassement. Le mot transcendant ne signifie plus un être extérieur ou supérieur au monde mais un acte. L’existence humaine existe comme transcendante. Heidegger distingue ce que nous dépassons et ce vers quoi nous dépassons. La transcendance est l’essence de la subjectivité et il remplace même ce mot par transcendance.

Ce que nous dépassons ? En tant que l’homme a un corps etc. c’est un existant parmi d’autres existants. Mais l’homme n’est pas un existant comme les autres par ce pouvoir de dépasser. Et ce qui est dépassé c’est l’existant lui-même, c’est le créé.

Vers quoi est-il dépassé ? C’est vers le monde. Mais ce « vers quoi » n’existe pas indépendamment de l’acte de transcendance. Ce qui est dépassé c’est bien la totalité du créé mais ce vers quoi nous dépassons c’est le monde structure de la subjectivité.

Nous trouvons alors la distinction fondamentale de Heidegger : l’existant et l’être de l’existant. Tous les philosophes, sauf Kant, ont traité l’être comme quelque chose qui est. Heidegger leur reproche, il va jusqu’à dire que c’est essentiel à la métaphysique de traiter l’être comme existant et son histoire est celle de l’oubli de l’être. L’être de l’existant ne se ramène à aucune existence, pas même à Dieu. C’est l’être même de ce qui apparaît, c’est ce en quoi se trouve fondée toute apparition comme telle. Le privilège de l’homme est précisément de dépasser l’existant et se mettre en rapport avec l’être. L’homme est le berger de l’être.Pourtant l’homme est parmi l’existant.

Le maître de Heidegger fut Husserl. Chez celui-ci la notion de conscience reçoit une nouvelle signification. Elle n’est plus du tout définie comme intériorité. Pour lui la conscience est définie comme dépassement : « toute conscience est conscience de quelque chose »C’est la notion d’intentionnalité.

Est-ce que Husserl pouvait garder l’idée de conscience dans la mesure où il rénovait l’idée de subjectivité ? Heidegger n’a-t-il pas raison ?

En tous cas c’est bien à partir de la nouvelle conception husserlienne de la subjectivité que Heidegger va concevoir le monde.
La triple notion de fondement s’éclaire.

1- en dépassant, l’existence humaine fait advenir le monde. Elle institue le monde.

2- prendre pour base la réalité humaine. L(homme, n même temps qu’il fait advenir le monde, est dans le monde. Il est au milieu. Bien plus il est investi par l’existant car « pour dépasser l’existant encore faut-il être accordé à son ton »

3- fonder signifie motiver. Heidegger développe le thème que toute motivation trouve sa racine dans la transcendance. Poser une question sur l’existant suppose l’acte de la transcendance.

4- D’où l’identification entre la transcendance et la liberté. La liberté c’est ce qui fonde le fondement lui-même. La liberté est liberté de fonder. C’est la raison de la raison.

Quelle est la différence entre la thèse kantienne et celle de Heidegger ?

Nous avons vu la ressemblance. La différence est curieuse. L’influence de Kant sur Heidegger est évidente et pourtant il y a un changement de ton. Il existe pour qu’on ne fasse pas un contre sens sur le kantisme. Les « phénomènes » de Kant c’est précisément l’existant. C’est ce qui apparaît et non l’apparence. Alors pourquoi Kant oppose t’il phénomène et noumène ? Parce qu’il est le premier à ne pas avoir confondu l’existant et l’être de l’existant.

Comment concevoir le rapport des deux subjectivités ?

Avec Heidegger le transcendantal devient une structure même de la subjectivité empirique. Seulement cela devient la structure essentielle. Le transcendantal est réduit à la transcendance, au dépassement. Peut-être que la subjectivité transcendantale perd alors de son importance. Chez Kant elle rendait la connaissance possible car elle soumettait les objets sensibles à la connaissance humaine. Mais le sujet transcendantal c’est ce qui rend possible la transcendance en soumettant nécessairement les phénomènes à cette opération de dépasser. Le sujet transcendantal c’est ce à quoi la transcendance même était immanente.

Avec Heidegger au contraire ce qui disparaît c’est la distinction entre la transcendance et le transcendantal. Chez lui ils sont identifiés au point que ne se distingue plus ce qui fonde et ce qui est fondé. D’où la racine de tout fondement est la liberté.

Conclusion

Nous avons essayé de montrer en quoi le fondement était un tiers.

Ce qui est fondé, disions nous, n’entre pas tout seul en rapport avec le fondement. Il fonde quelque chose en lui donnant autre chose. Tout le problème est de savoir quelle est la nature de cette autre chose. Il semble que chez les philosophes une fois le fondement trouvé cela ne change rien. Kant fonde les mathématiques, la physique et pourtant il nous dit c’est un fait. Elles restent les mêmes après avoir été fondées. Et pourtant si le fondement laisse subsister ce qui fonde on peut se demander à quoi ça sert. En revanche si fonder change quelque chose alors on voit à quoi ça sert.

Tout fondement n’entraîne t’il pas une surprise inattendue ? Le fondement n’entraîne t’il pas quelque chose qu’on attendait pas ? Ce n’est peut-être qu’à première vue que chez Kant que les choses restent les mêmes. Cf. le livre d’Alquier sur Descartes. Pour lui il y a toute une évolution de Descartes. Petit à petit il se serait aperçu qu’il ne suffisait pas d’une méthode mathématique pour fonder la connaissance mais qu’il fallait un véritable fondement métaphysique. Mais, dit Alquier, ceci l’amène à un renversement complet de l’idée qu’il se faisait de la science. La recherche du fondement nous apporte donc autre chose que ce qu’on en attendait.

Celà, on peut l’appeler surprise ou déception.

Ce qui reste à se demander c’est pourquoi de philosophes nous donnent l’impression qu’il faut rechercher le fondement et pourtant qu’il ne change rien. Problème chez Kant. Mais justement chez lui il y a une séparation : l’opération de fonder est séparé du changement qu’apporte l’opération de fonder.

Une fois dit que le fondement a bien les caractères que Kant et Heidegger lui reconnaissent, en quoi ce qui est fondé va manifester dans sa propre nature le changement, la modification qui va permettre de répondre à « qu’est ce que fonder ? »

Chapitre III

FONDEMENT ET QUESTION

Introduction

Le fondement est un tiers. Le fondé de ce fait prend une autre figure.

En quoi la chose fondée change d’état ? Ce tiers ne se ramène ni au fondateur, ni au commencement. Quel est-il ? Quelle surprise nous apporte ce qui est fondé ?

Là on pourrait se demander quel est le mobile de la philosophie.

Pour les uns c’est l’étonnement. Pour les autres c’est l’angoisse.

On avait vu ce qui apparaissait de nouveau mais mythologiquement : c’est une dimension cosmique. Répétition, éternel retour (thème cher à Nietzsche).

Résultat : celui qui appelle un fondement exige. Il se pose comme pourvu d’un droit. Le quelque chose réclamé est le fondé. Cela oppose l’homme à l’animal. L’homme trouve la raison sous la forme de l’énoncé d’un droit.

On avait distingué trois sens du fondement chez Kant et Heidegger.

1) fonder c’est rendre nécessaire la soumission de l’un à l’autre. Le fondement est bien un troisième terme, le tiers.

2) Le fondement est l’assignation d’un domaine ou d’un territoire.

3) L’exigence a des conditions de validité. Le domaine sa limite.

Ici on retrouvait les deux mêmes problèmes mais sur un plan philosophique.

Equivoque : le fondement et celui qui s’en réclame. Qu’est-ce qu’apprend au fondateur le principe qui fonde ? Est-ce que ce principe préexiste ? Est-ce une réponse qu’il apprend ? Dans l’idée même de fondement il devra y avoir le rapport entre les deux termes : le fondateur et la nouvelle figure du fondé.

Est-ce que ce que le fondement révèle loin d’être une réponse n’est pas une question ?

Le sphinx formule une question. Celui qui de réclame du fondement reçoit du fondement une question. L’équivalent mythologique c’est l’oracle, la prédiction.

Le fondement nous dit de quoi il s’agit. Cela suppose que nous ne savions pas en quoi consistait la question avant de faire appel au fondement. Alors le rapport fondement fondateur est d’autant plus complexe que le fondement ne donne pas une réponse mais une question. Dès lors de ce fait en affrontant le fondement on est fondateur, on dispose de la question.

Il faudra découvrir la nouvelle figure que prend le fondé lui-même. Mais qu’est ce que cette question ? Nous croyons toujours que ce sont les solutions qui sont à déterminer. L’activité d’interroger reçoit pour nous sa détermination de ce qui la supprime. Or par là nous est suggéré que la question a en elle-même une structure.

Qu’est ce que la question qui réunit fondement, fondateur et changement du fondé ?

Style particulier aux philosophes. Il y a des questions propres aux philosophes et qui laissent sans voix. Heidegger arrive après un effort à une question qui risque de nous décevoir. Il en arrive à « pourquoi y a t il de l’être plutôt que du néant « ? Et s’il se répète c’est qu’il veut suggérer qu’on ne peut attendre de réponse du type empirique à des interrogations empiriques. Peut-être au niveau philosophique la réponse est elle contenue dans la question.
Leibniz : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Pourquoi y a-t-il ceci plutôt que cela ? Désormais tout est renversé, le fonds nous apprend une question et seule la question peut élucider le problème.

Quelles sont les hypothèses possibles ? De la question philosophique quelle qu’elle soit on peut faire trois hypothèses.

1) Peut-être est ce une question volontairement sans réponse. Son objet serait de

faire taire les réponses. Philosophie du paradoxe de Kierkegaard, de Chestov. Russe étrange mort vers 1930, car historiquement Chestov n’a connu que fort tard Kierkegaard et la ressemblance de leur philosophie jusque dans leur expression est un cas étonnant de coïncidence. Il a écrit sur le ton du commentaire, un ton extraordinaire. Il prend à parti Tolstoï et Dostoïevski. Livre introuvable, sa thèse sur Shakespeare.

Ils appellent cela aussi philosophes du scandale, de la provocation. Penser c’est aussi penser contre la raison.

Avec Socrate commence la décomposition, la trahison. Les deux auteurs nous le verrons divergent. Après, pour Chestov, il reste l’homme et ses questions : absurde. Pour Kierkegaard il reste après la foi. Le fils d’Abraham lui est rendu mais dans le domaine de l’absurde.

2) La question est telle qu’elle contient en elle d’une certaine manière la règle de

toutes les réponses possibles. Elle nous livre les principes qui serviront à la solution de tous les problèmes. Leibniz pense qu’une méthode doit être universelle. C’est la caractéristique universelle dont le principe serait découvert dans la structure de tous les problèmes :

a) identité : 4 principes

b) raison suffisante

c) indiscernabilité

d) continuité.

3) La question nous donne une règle pour distinguer les vrais problèmes et les

faux et c’est cela qu’il faut attendre de ce qui fonde. C’est la direction de Kant. Pour lui l’illusion typique ce sont les problèmes posés par Leibniz : pourquoi ceci plutôt que cela.. etc.

4) Un auteur est en ce sens plus kantien, c’est Bergson. Vision irrationnelle du

fondement.

Première hypothèse : le fondement est lié au fond. Obscurité de cette notion. En appeler à ce qui fonde n’est ce pas être prêt à aller jusqu’à l’absurde ?

Seconde hypothèse : le fondement est connu rationnellement. N’y t’il pas l’idée d’une raison suffisante comme dit Leibniz ?De l’origine radicale des choses dit Leibniz.

Troisième hypothèse : le fondement serait une conception critique. N’y a t’il pas là aussi cet aspect dans le fond ? Distinction entre la validité et la non validité.

D’une manière historique un grand philosophe a manié les questions, c’est Socrate.

Il y a rapport d’essence entre fondement et question

I) Socrate et la question

Socrate procède par question et réponse. Mais pour répondre Socrate dit « je n’y suis pour rien ». Il dit « je suis la question ou l’amour ou le philosophe »

Ce qui est en question c’est la dialectique. Elle part de Parménide, de Zénon. On la retrouve chez Socrate et Platon, chez les Stoïciens et Aristote. On la trouve chez Kant, Hegel et Marx. Tous se réclament différemment de la dialectique.

Etymologiquement : conversation et distribution. Comment ces deux notions s’organisent elles dans la dialectique ? Qu’est ce qui est distribué dans la conversation pour que ce soit une dialectique ?

Sont distribuées les questions et les réponses. Grande difficulté de socratisme. Socrate en a contre un état de chose qui lui semble propre de la cité athénienne : tout le monde en politique parle perpétuellement et sans savoir. (Voilà pourquoi il flirte avec les sports). La démocratie : n’importe qui peut avoir son mot à dire. Il s’insurge contre cela.

Les questions de Socrate dans les petits dialogues consistent à contourner l’interlocuteur, à le mettre dans la contradiction, si bien qu’il n’a plus qu’une issue, la colère. Socrate met l’autre dans la contradiction.
A première vue la dialectique consiste dans une distribution des questions et des réponses selon des personnages. Mais il n’y a jamais Socrate qui pose des questions. On lui dit « tu es la torpille » Il s’agit d’autre chose. Les deux personnes s’anéantissent chacune. L’interlocuteur est anéanti dans ce sens qu’il tombe dans la contradiction. Il est mort au niveau du logos. Socrate lui-même dit « je n’y suis pour rien » Il semble se supprimer lui-même. D’où l’importance du symbolisme de la mort de Socrate. Celui-ci meurt aussi dans le logos. A première vue il s’agit d’une distribution, à seconde vue c’est un double anéantissement.

Il fallait forcer les personnes à se taire d’abord : premier aspect de la question. Chestov trouverait cela très bien car selon lui il fallait en rester là et pousser le plus loin possible ces questions qui sont mes réponses puisque le but essentiel est de faire taire les réponses.

Contre qui en a Socrate ? Contre la doxa, l’opinion.

L’état de la doxa ? Elle a un thème essentiel : d’une part, d’autre part. Elle affirme les vérités partielles et les affirme comme telles : lorsqu’elle touche à son génie bien sûr, à sa propre vérité. Ce qu’elle pose comme absolu c’est une vérité partielle. Le d’une part et d’autre part est le pire ennemi de l’opinion : la doxa fait la part des choses.

Beau texte de Marx dans « Misère de la Philosophie «. La philosophie de Proudhon dit-il est une philosophie de petit bourgeois parce qu’il croit que la dialectique est d’une part, d’autre part. Une pensée qui en reste à ce stade, dit Marx, est une pensée de petit bourgeois d’opinion. L’opinion répartit ses grands thèmes à ce niveau. La structure de l’opinion repose sur une structure de l’appropriation. C’est contre cet état que la philosophie en a. Le bon sens est la cible de la philosophie. Elle dénonce la prétention du bon sens à être philosophie. Le bon sens répartit les vérités en parts. Il a un orgueil diabolique celui qui répartit mais usurpe car ce sont des vérités partielles.

La phrase de Descartes : « Le bons sens est la chose du monde la mieux partagée « a un côté volontairement comique. Le bons sens par essence distribue, répartit. Il y a une mystification interne dans ce texte. Il suffit de regarder le contexte, personne ne dit je suis bête. Descartes dit : prenons les aux mots. C’est très brûlant mais très dangereux. Drôle de chemin pour la philosophie : il y a des imbéciles en fait, dit Descartes, mais jamais en droit. Le problème de la bêtise est renvoyé à la psychologie individuelle. Cette interprétation est seule sérieuse…et discutable. Il a éliminé la bêtise du problème théorique de la pensée qui sera réduit au vrai et au faux. Donc la règle essentielle du bon sens est la répartition.

Confirmation : Hegel dans « Différence entre le système de Fichte et le système de Schelling » écrit des pages étonnantes sur l’opposition bon sens et philosophie. Au niveau du bons sens, de la doxa, dit Hegel l’absolu n’est plus rien que sentiment et la vérité retombe comme simple vérité partielle, mais il la présente comme fond de la vérité en la présentant dans l’absolu.Or Hegel veut dépasser ce stade ( Marx aussi à propos de Proudhon). L’absolu ne peut pas être objet d’un sentiment. La vérité ne peut pas être vérité partielle. C’est le concept de Hegel.

Secret de l’ironie socratique : le dialogue procède à une répartition. Chaque vérité partielle, pense t’il, procède par vérité contradictoire. Socrate a juste pris assez de doxa pour la contredire. La vérité partielle s’oppose à la vérité partielle et tombe dans la contradiction. En apparence c’est une bonne organisation du dialogue, en réalité c’est la suppression du dialogue mais de l’intérieur. La doxa n’a plus alors qu’une solution, la colère. La doxa sent vaciller le sentiment de son absolu. Toute opinion est conformiste. Elle est non paradoxale. Le paradoxe cherche à trouver un domaine où les répartitions se contredisent. Les Anciens et Socrate aussi étaient friands de paradoxes. Cf. le paradoxe moderne des méchants sauvages sur l’idée des arts. Les mathématiques sont là pour les résoudre. Dans l’île une règle : on lui dit «prononce une phrase si elle est vrai tu es pendu, si elle est fausse tu es fusillé ». Jusqu’au jour où un étranger dit « je serai fusillé » Et on ne peut plus le fusiller.

Les logiciens se sont penchés sur le problème du paradoxe. Kantor a élaboré la théorie des ensembles mathématiques. Il trouva un paradoxe bizarre. On appelle ensemble normal tout ensemble qui ne se contient pas lui-même comme élément. On n’arrive pas à une totale intériorité. Appelons E l’ensemble de tous les ensembles normaux. Contradiction logique immédiate. Paradoxe. Constitution essentielle d’un élément tel qu’il contraint et force l’ensemble dont il fait partie à se contredire c'est-à-dire à se contredire comme élément. Je mens est un non sens car ce n’est rien d’autre que la détermination d’une chose remplie par des propositions mensongères.
Il faudrait analyser d’un point de vue seulement logique et même formel le point de vue de Pascal. Le pari ne porte pas sur Dieu lui-même mais sur l’existence de l’homme pour qui Dieu existe et sur l’existence de l’homme pour qui Dieu n’existe pas. Pascal dit si ce dernier savait qu’il faut parier alors il ne choisirait pas son mode d’existence. Du point de vue formel le thème du choix assure deux déterminations logiquement contradictoires.

Il y a là une véritable agression contre le bon sens. Le paradoxe montre le caractères contradictoires des vérités partielles en elles mêmes. Le paradoxe me présente un élément impossible à répartir dans l’ensemble dont il fait partie parce qu’il entraîne cet ensemble à se comprendre comme un élément.

La question revient à Socrate. Le bons sens et la philosophie sont ennemis (véritable tauromachie). Socrate en est mort. Amitos est le représentant des classes moyennes athéniennes. Il représente l’idéologie des classes moyennes qui est une réclamation de la représentation juste. Dans le mythe de Protagoras un sophiste n’est pas pris à son compte par Platon, ce mythe est celui de la répartition (technique = répartition inégale et conscience politique =répartition égale). Dans la répartition il y avait le langage, le logos. Or le bons sens dit la philosophie ce n’est rien.

Mais quelle est l’origine de la philosophie ? Problème : pourquoi la philosophie ne fait elle pas partie de toutes les civilisations ? La philosophie est dans son essence chose grecque et il ne faut pas la chercher dans d’autres cultures, n’importe quelle culture.

Les pays qui ont créé en philosophie ? D’abord grecque, puis elle devient française, anglaise, allemande depuis le XIX e siècle jusqu’à nos jours. La révolution française n’a pas été pensée en France mais en Allemagne.

Comment expliquer que l’Espagne, l’Italie, bien qu’on puisse citer des philosophes de ces pays, n’aient pas produit des courants philosophiques fondateurs ?

Hypothèse : peut être que la philosophie trouve son origine dans l’existence même de son ennemi, dans les classes moyennes ? Rome, grand problème : disparition précoce des classes moyennes. Vrai pour l’Espagne, faux pour L’Italie. Au niveau de Socrate c’est absolument vrai. Le socratisme se constitue contre la doxa. Pour Isocrate la doxa est la seule philosophie. Procédé d’une pensée procédant par répartition. Si la philosophie naît en Grèce c’est par ce qu’il s’y forme une condition négative de son existence.

Conclusion quant à la méthode même de Socrate. Il semble instaurer des règles qui fassent du langage une chose sérieuse. Ce qui produit un doute c’est l’ironie socratique. En effet il n’y a pas de dialogue socratique. Il emprunte le dialogue pour l’anéantir. Il veut que le dialogue se supprime lui-même. Il y a une séduction du dialogue. C’est cela l’ironie socratique. A chaque question qu’il pose il élimine une vérité partielle et ,à la fin, il y a mort de la contradiction représentée par le contradicteur.

Autre idée de Socrate : que se passe t’il pendant cette destruction ? Socrate sait qu’il n’y est pour rien. Il ne croit pas au dialogue. Positivement ça signifie quoi ? Les sophistes détestaient les longs discours parce que c’étaient des discours de certaines personnes. Ce n’est pas le discours lui-même que Socrate refuse mais que le discours ne soit plus celui des personnes. Il veut que la science du discours vienne d’une identité du discours et de la chose : c’est l’idée. Il veut que le logos soit l’expression du réel comme tel. Le rapport n’est plus entre les âmes mais entre l’âme et l’idée. C’est ce que Socrate appelle la réminiscence. C’est que l’idée se présente comme déjà là. La manière dont l’âme entre en contact avec l’idée est toujours pour la deuxième fois. L’oubli est pourtant fondamental. Il est métapsychologique. L’oubli est devenu le rapport fondamental entre l’âme et l’idée. Comment l’oubli, terme négatif, peut il avoir ce rôle ? L’âme incarnée se trouve devant des objets extérieurs qui lui disent quelque chose. C’est donc dans le monde sensible qu’on fait des rencontres qui éveillent en nous le ressouvenir de l’idée. L’oubli fondamental s’exprime dans les rencontres qu’on fait dans le monde. L’oubli se pose comme étant déjà là, d’où tout le thème de l’existence antérieure. Ainsi Socrate fait résoudre à l’esclave un problème de mathématique.

La question devait donc être telle qu’elle portait sur un véritable fondement susceptible de servir de règles à la solution des problèmes. C’est par ce que la question s’élève jusqu’à l’idée qu’elle entre en relation avec des principes servant à la solution des problèmes.

Comment les choses sensibles participent elles à l’idée ?

Le plus profond dans la philosophie de Platon c’est de savoir comment les idées existent entre elles. Il s’agit de penser le rapport de l’intelligible. Ce sera l’objet le plus profond de la dialectique. La question propre porte sur les règles permettant de constituer les règles elles mêmes.

II – La question qui fait taire. (Kierkegaard, Chestov)

a) Le plus lyrique et le plus simple. Ils ont une attitude ambivalente à

l’égard de Socrate. Ils le haïssent et pourtant il les obsède. Ils opposent Socrate et Job. Ce qui les intéresse chez Socrate c’est le premier aspect de la question socratique, l’ironie (cf. le concept de l’ironie de Kierkegaard). Pourtant Socrate dénature la question qui fait taire en allant au-delà. Pour eux Job est le penseur privé, il a su ne pas trahir. Socrate lui a tourné au professeur public. Job est celui qui a demandé des comptes qu’il exigeait de première main. Or la doxa par nature se contente de réponse de seconde main. Mais pour Kierkegaard et Chestov la raison se contente de réponse de seconde main. La raison demande qu’on se soumette, qu’on reconnaisse la loi. Le problème de la pensée va être posé de façon singulière. La raison appelle crime de l’esprit le crime de la loi. Mais dit Chestov jamais la raison n’a appelé scandaleux le meurtre de Socrate ici et maintenant.

La trahison de Socrate c’est qu’il partait bien pour demander des comptes de seconde main. Job lui en restera à ses questions et ne se contentera pas de réponse de seconde main. Job prend Dieu à part, il exige une réponse de première main. Peut-être qu’une telle réponse n’existe pas d’ailleurs.

Ce refus de la raison est important parce qu’on le retrouvera dans les philosophies dites irrationalistes. Elles privilégient d’autres puissances que la pensée. Mais plus profondément ils pensent qu’on peut penser contre la raison. Mais pourquoi cela ? Parce que la raison nous convie toujours à obéir, à nous soumettre à la généralité. Ainsi Kierkegaard a dans sa vie un secret qui l’étouffe, « l’écharde qu’il a dans la chair », la relation de Kierkegaard avec son père. Il n’est jamais arrivé à Kierkegaard qu’une histoire mais elle est de taille, ses fiançailles (suis-je capable de me marier ?) Le problème fiançailles/ mariage n’a de sens qu’au niveau de l’éthique. Le problème de Kafka était analogue, sa fiancée Régine était un véritable concept philosophique (cf. Journal d’un Séducteur : « Ma femme m’est une petite sœur que j’aime beaucoup, chez qui j’habite ». Dans «Ou bien..Ou bien « il s’interroge sur le sens du mariage. Il y a un véritable saut qualitatif des fiançailles au mariage. Que signifie cette idée de fiançailles rompues ? C’est l’évènement singulier.

Chestov a donné une « Philosophie de la tragédie » de l’absurde. Cf. le mythe de Sisyphe. Il se réclame de Dostoïevski qui a le premier fait la critique de la raison et non Kant. « Si Dieu n’est pas tout est permis « est chez Dostoïevski et dans « La Volonté de Puissance ». Cela signifie qu’il faut ordonner. Ils invoquent le thème nietzschéen, par delà le bien et le mal et Chestov y ajoute par delà le vrai et le faux. Le thème du pari pascalien est bien dans cette lignée. Il faut substituer l’éthique à la morale.

b) La morale nous fait toujours penser à devoir et à loi. Mais elle nous

annonce aussi que le devoir est premier. Le fondement du devoir est dans notre perfection supposée en tant que nous sommes supposées être raisonnables. Le problème devient ; « qu’est ce qu’on doit ? » Mais tout un groupe d’auteurs maudits existe. « Qu’est ce qu’on peut ?« demandent ils. Alors le devoir n’est pas premier. Il s’agit pour eux d’aller jusqu’au bout de ce qu’on peut. S’il n’est pas vrai que le devoir, la loi soient premiers il faut alors réaliser tout le pouvoir.

L’origine est juridique. Vers le XVI e siècle apparaît un renversement qui risque aujourd’hui de passer inaperçu. C’est la théorie de l’état de nature et de l’état civil avec Hobbes, manieur de paradoxes. On en a fait une théorie classique par ce qu’on la confond avec ce contre quoi elle s’élevait, la théorie antique de la loi naturelle qui exprimait notre nature d’être raisonnable. Hobbes commence à demander des comptes. Il estime que la loi naturelle à un sens si on la rapporte à l’ordre réel et concret des mobiles et passions de l’homme. C’est alors le pouvoir et le droit qui sont premiers et inconditionnels. Puis chez Hobbes il y aura l’idée que la loi doit limiter le pouvoir. (Il n’en reste pas moins le premier). Or on retrouvera ce thème juridique chez tous les auteurs qui critiquent la loi.

Le problème de l’éthique est celui du pouvoir. C’était déjà le thème de Calliclès dans le Gorgias. Il accepte de briser la loi qui me sépare de ce que je peux. L’éthique se heurte toujours à la loi. Si Spinoza appelle son livre « L’Ethique » c’est pour cela. La loi qui défendrait est pour lui une mystification. La loi morale n’est finalement jamais qu’une loi naturelle mal comprise. (cf. Adam et la pomme : une indigestion). Le devoir est pour lui une forme illusoire. Malgré son rationalisme il nous dit tout le temps que les hommes diffèrent uniquement de ce qu’ils peuvent. La vertu est la réalisation de sa propre puissance. Le crime est vertu s’il exprime un véritable pouvoir . Spinoza finalement est rationaliste par ce qu’il s’attachera à démontrer que le crime est diminution de pouvoir.

Donc pour tous il s’agit d’abord de commander pour réaliser sa propre essence. Cette philosophie chez Kierkegaard pourra se dire véritable philosophie de l’absurde. Pour lui il y a une réponse sur un certain plan, irrationnel, quand l’homme a été jusqu’au bout. C’est déjà peut on dire une philosophie existentielle. Il y a pour eux deux manières d’exister et la notion de choix se comprend ainsi. Il y a ceux qui existent d’une manière inauthentique, ceux qui se soumettent, qui ne savent pas quelle est la question. Il y a ceux qui existent authentiquement, qui savent que la question est d’aller jusqu’au bout de ce qu’on peut. Ainsi la question de la morale porte sur quelque chose d’autre que le questionnant. Alors que la question de l’éthique ne porte sur rien d’autre que le questionnant. Ce thème d’aller jusqu’au bout va définir la pensée. Elle doit elle aussi aller jusqu’au bout. Et penser quoi ? L’impensable dit Kierkegaard. Cette pensée se réconcilie avec la vie. Kierkegaard demande « donnez moi donc un corps ». Les rapports de la pensée avec la vie : réclamation d’une unité. Or c’est la vie qui doit se soumettre à la pensée dans le socratisme, c’est la vie raisonnable, philosophique. Au contraire chez Kierkegaard la vie ne peut pas renoncer à soi, se soumettre à l’ordre de la raison. Le paradoxe exprime un divorce de la vie et de la pensée. Dès lors c’est la pensée qui se soumet aux catégories de la vie. Il s’agit pour cela de penser l’impensable (cf. les miettes philosophiques, les riens philosophiques). Il ne faut pas penser du mal du paradoxe, cette passion de la pensée et les penseurs qui en manquent sont comme des amants sans passion c'est-à-dire de piètres partenaires. Mais le paroxysme de toute passion est toujours de vouloir sa propre perte et c’est également la suprême passion de l’intelligence que de rechercher le choc quoique ce choc d’une façon ou d’une autre la mène à sa propre ruine. C’est là le paradoxe suprême de la pensée que de vouloir découvrir quelque chose qu’elle-même ne peut pas penser.

Dans ce livre Kierkegaard oppose sa méthode à la méthode socratique. (Le Menon, apprendre c’est se souvenir). Socrate se demande comment la question est possible. L’activité de questionner implique pour lui le savoir et le non savoir. Alors le fondement de la question est précisément dans la ressouvenance et la réminiscence.

Pour Kierkegaard qu’est ce que cela signifie ?

1- toute recherche pour Platon n’est que du souvenir. La vérité ne vient pas du dehors dans l’âme, mais celui qui ignore n’a qu’à recourir au souvenir pour prendre soi même conscience qu’il sait.

2- Si la vérité est comme intérieure dès lors Socrate le maître n’est qu’une occasion pour le disciple de se ressouvenir. (l’accoucheur)

3- Le savoir oublié était déjà là de tout temps. Donc l’instant n’a aucune consistance par soi même. Le point de départ temporel ne compte pas. L’instant tombe dans l’inessentiel.

Kierkegaard va y opposer ce qui selon lui est le véritable apport du christianisme. Pour lui le maître n’est pas l’occasion il est le Christ. Alors l’instant est quelque chose d’essentiel. Ce qui renvoie au thème de l’historicité du Christ et du premier homme (rôle du premier. cf. le premier amour). Chez les Grecs il n’y a pas de premier (cf. position d’un temps circulaire). Dès lors le disciple ne peut retrouver en lui-même la vérité. Il faut que « le disciple en lui-même soit une vérité. » Dès lors le maître lui apporte la condition pour comprendre la vérité. La non vérité du disciple signifie non seulement qu’il est hors de la vérité mais contre la vérité signifié par le Christ rédempteur. Le disciple a perdu la condition par sa propre faute. A ce niveau le concept essentiel est celui de péché. Le maître n’est plus une occasion, l’instant devient décisif. Kierkegaard peut dire « tout le pathétique de la pensée grecque se concentre sur le souvenir, tout le pathétique de notre pensée se concentre sur l’instant. »

Mais que signifie l’instant ? Il ne fait qu’un avec son premier thème, l’impensable. Le christianisme est le paradoxe. L’instant ne fait qu’un avec le pur existant. Cette existence ne surgit que dès qu’on a le dos tourné. Qu’est ce que l’absolument différent ? Tantôt, dit Kierkegaard, c’est le pur existé, le pur existant, tantôt c’est l’instant, tantôt le péché, catégorie fondamentale de la foi, enfin c’est la répétition.

Qu’y a-t-il de commun à tout cela ? Dans sa lutte contre le rationalisme Kierkegaard s’attaque aux thèmes de la tradition rationaliste. Il y avait deux thèmes bizarrement mélangés dans cette tradition, un sur les rapports de l’essence et de l’existence, l’autre sur la qualité et la quantité.

Le premier : la preuve ontologique semble définir la position rationaliste vis-à-vis de l’existence. Elle se présente en toutes formes, apparaît avec saint Anselme. Il veut prouver l’existence de Dieu, c'est-à-dire l’Existence. Il prend à la lettre une phrase de l’Ancien Testament : « L’insensé a dit dans son cœur Dieu n’existe pas » Ainsi celui qui dit Dieu n’existe pas se contredit. Il faut pour cela définir Dieu sans postuler son existence. Dieu dit saint Anselme est l’être tel que rien de plus grand ne puisse être pensé. Or supposons qu’un tel être n’existe pas nous sommes en pleine contradiction car nous pouvons penser un être plus grand qui cette fois ci existerait. Donc je ne peux pas penser l’idée de Dieu sans que l’objet de cette idée se pose comme existant. Dès lors au sein de la pensée ontologique l’existence est déduite de l’essence. Son essence enveloppe l’existence. Il y a un paradoxe car Dieu est évidemment le seul cas à être ainsi. L’idée de table pose l’existence possible mais non réelle de la chose. Dieu est le seul cas car il est infini.

Donc l’existence est une perfection (cf. Descartes). Ce qui paraît bizarre c’est que la preuve à première vue ne vaut que si on consent à traiter l’existence comme une propriété. Peut-on traiter l’existence comme une perfection c'est-à-dire finalement comme un attribut ? A première vue non. L’existence est la position dans l’être du sujet du jugement. L’existence est positionnelle et non attributive. Dès le Moyen Age se développent deux critiques (double courant) contre la preuve ontologique.

Pour les uns Dieu existe nécessairement mais s’il est possible. Pour les autres Dieu existe nécessairement mais s’il existe. L’un aboutira à Leibniz, l’autre à Kant.

Les Méditations s’accompagnent d’objections. Dans la cinquième, Descartes développe la preuve ontologique et on voit les deux objections.

1 celle qui mène à Kant. La preuve conclut l’existence de Dieu à partir de sa

possibilité. Elle traite l’existence comme une propriété. Or l’existence est irréductible à une propriété mais on ne sait pas que déjà la chose existe. C’est dans la 3eme partie de La Critique de la Raison Pure que Kant va reprendre cette critique.

2 Celle qui mène à Leibniz paraît très différente. Elle consiste à dire qu’on peut

conclure l’existence à partir du possible à condition que Dieu soit possible. Ce n’est pas parce que je forme une idée dans mon esprit que cette idée est possible. (Rupture avec Descartes : claire distinction idée possible). Leibniz pense d’ailleurs que c’est faisable et reproche seulement à Descartes de ne pas l’avoir fait, mais lui le fait.

Mais est ce que les objections portaient bien sur ce que les partisans de la preuve ontologique avaient dit ? Traitaient ils l’existence comme une propriété ?

D’abord ils insistaient sur ceci que ce n’était valable que pour Dieu. De plus ce n’était pas une déduction mais une intuition, on voit une existence dans l’essence. Il est absurde de définir l’existentialisme comme une doctrine où l’existant est irréductible à l’essence car on l’a bien dit avant eux. Les tenants de la preuve ontologique n’ont pas non plus ignoré cette irréductibilité. La preuve ontologique était l’exemple typique d’une physique rationaliste et d’une physique mathématique. Descartes fait une véritable critique des propriétés pour y substituer l’idée de quantité et de relation. Entre deux corps la différence est seulement d’étendue, de mouvement et de position. Les autres différences ne sont jamais qu’en fonction de la vie. Tout est différence de mouvement.

Existence, essence = thème métaphysique. Quantité et qualité = thème physique.

Kierkegaard va traiter ces thèmes comme ne faisant qu’un mais en même temps réclamer les droits de l’existant et de la qualité. L’existence de Dieu, dit il, apparaît des qu’on lâche la preuve, des qu’on tourne le dos. C’est tout à fait comme quantité / qualité dit Kierkegaard. Le problème est pourquoi à tel moment une continuité quantitative se transforme t’elle en qualité nouvelle ? La température quantité baisse d’une manière continue, l’eau devient glace mais la glace surgit tout d’un coup comme qualité nouvelle. La continuité quantitative entraîne tout d’un coup une qualité nouvelle. Pourquoi à ce moment plutôt qu’à un autre ? Pour Kierkegaard l’existant est la qualité. C’est le saut, le bond qualitatif. L’un ne peut engendrer l’autre. Thème important car en physique il y a une expérience intéressante dit de sursaturation et toutes les transformations. Par des procédés actifs on dépasse le moment normal d’apparition de la qualité sans qu’elle apparaisse. Puis, grâce à des corps spéciaux, on fait apparaître la nouvelle qualité. Les deux thèmes chez Kierkegaard se mélangeraient car d’une certaine manière c’est de la même façon que l’existence paraît derrière le dos de la conscience et que la qualité surgit tout d’un coup et non progressivement. Kierkegaard n’est pas original par là. Chez lui droit de l’existant, droit de la qualité, l’instant, le bond qualitatif, l’existant et la qualité ne font plus qu’un avec l’instant. (Grand tort du scientisme)

Dernier point : à propos du péché Kierkegaard nous dit quelque chose de semblable. Là il est beaucoup plus original. Ces trois premiers thèmes sont repris dans une véritable philosophie du péché. Il oppose une philosophie chrétienne à une philosophie grecque. C’est opposer Abraham, Job à Socrate. Il pense que le péché ne peut être engendré à partir de la peccabilité (propriété de la nature humaine de pécher). On conclut le néant du péché d’une imperfection de l’essence humaine. Des lors la conception rationaliste du mal est comme la contre épreuve de la conception rationaliste des essences. Le thème de Kierkegaard sera : jamais on ne pourra conclure le péché de la peccabilité. Il implique aussi un saut qualitatif. Le péché c’est l’apparition brusque de la qualité nouvelle. Il faut alors penser le péché et le rapporter à l’angoisse qui est le rapport de la conscience avec l’absolument différent. D’où le concept d’angoisse qui est une catégorie de la pensée qu’il voudrait voir remplacer la vieille notion d’imperfection de la nature humaine.

La pensée traite son objet comme le même. Pour la philosophie grecque il y a unité de l’intelligence. Donner de là une nouvelle tâche à la pensée. Cela était nouveau. Dès lors la pensée est dans le paradoxe.

On approche d’une définition de l’existentialisme :irréductibilité de l’essence et de l‘existence et primat de l’existence sur l’essence.

Est-ce bien cela ? Celui de Sartre peut être et encore, mais chez Kierkegaard c’est très différent en fait. Kierkegaard appelle cela « les recherches psychique de la conscience pécheresse. Chestov appelle cela les « ondes torrides et glaciales » L’existence ne privilégie pas de thème. Ils veulent faire de l’existence humaine le nouvel objet de la pensée. La pensée doit saisir ce qui est essentiellement autre qu’elle-même et la plus grande confusion serait de traiter cet autre comme à partir du même. « L’angoisse est le bon concept de la pensée et de la psychologie » En tant qu’état psychologique l’angoisse est toute entière tendue vers quelque chose d’irréductible à la psychologie. Le psychologue renvoi lui aussi à un autre domaine du psychologue. L’angoisse est l’état psychologique qui correspond au péché qui devient une dimension existentielle. L’angoisse est la conscience psychologique dirigée sur un objet qui lui est irréductible. L’angoisse c’est la pensée en tant qu’elle appréhende sa propre différence irréductible avec son objet.

Les catégories deviennent existentielles quand la pensée pense quelque chose, c’est la différence même de ce quelque chose avec la pensée. La véritable fonction de la pensée devient l’autre et non le même (à rattacher à l’hégélianisme). Il faut se réconcilier avec la vie. Le propre de l’angoisse c’est d’appréhender le péché comme non psychologique. Il devient alors possible à la philosophie de penser contre la raison. Les trois questions : peut –on avoir un corps ? peut-on se marier ? peut-on être chrétien ? reviennent au même. Elles signifient : peut –on réconcilier la pensée avec la vie ? Ceci nous conduit à une philosophie de l’existence. Alors la catégorie fondamentale de l’existence va apparaître comme la répétition. Kierkegaard dit « je suis poète de la foi ». Etre chrétien c’est impossible et pourtant il l’est. Etre chrétien, se marier, avoir un corps ne font qu’un avec cette nouvelle fonction de la pensée qui pose son objet comme impossible : le paradoxe. Le nouvel objet de la pensée c’est l’absurde. Etre chrétien c’est absurde. Kierkegaard annonce la répétition qui n’est plus la question mais la réponse à la question. Chestov ici reproche à Kierkegaard de n’avoir pas maintenu les questions. La réponse émane de l’absurde, c’est la répétition. C’est une chose unique dans la philosophie moderne : comment des horizons les plus différents et sans influence, il y a des tentatives, jusqu’ici essais, pour construire un concept original et paradoxal de la répétition ? Deux auteurs qui n’ont rien à voir entre eux. Kierkegaard au début de son livre sur la répétition dit ce n’est pas la répétition dans la nature. Il prétend former le concept d’une répétition plus profonde dont la répétition physique ne serait qu’une dégradation psychique. Il dit : Hegel s’est servi pour faire sa philosophie d’un concept de contradiction. Or dit- il avec humour, ce concept est un concept allemand. Lui veut ici un concept bien à lui, de chez nous : monotonie de la vie danoise = répétition (humain bien sûr). Il est bien danois.

Un siècle plus tard un sociologue tombé dans l’oubli, Tarde redécouvert par les américains. Durkheim pour des raisons politiques, il était réactionnaire, a pris le pouvoir sur l’enseignement et a étouffé Tarde.

Tarde a écrit un livre curieux : « L’Opposition de l’Universel », une des meilleures théories de la négation. Il dit, là sérieusement, que l’idée de négation est une idée allemande et il veut un concept français. Toute sa thèse consiste à montrer que l’opposition, la contradiction n’est qu’un cas particulier de la répétition.

Nietzsche n’est certes pas poète de la foi et pourtant comme avec Kierkegaard pour Socrate, il veut lui le retour au pré socratisme. Zarathoustra a un secret, il le crache, c’est un serpent qui est l’éternel retour. Cet instant exact reviendra et aussi la pensée reviendra. Il dit bien que ce n’est pas une répétition physique (dans Ecce Homo). Tout retour, dit il, qui se fait dans le monde suppose l’éternel retour. C’est lui qui nous explique la répétition physique et non le contraire. L’éternel retour est un concept original de la répétition. Freud le premier nous apprend que l’humanité a vécu sous un concept sacro saint : le principe de plaisir. Nous cherchons par nature ce qui nous fait plaisir. Or Freud découvre de plus en plus de faits psychiques qui semblent invoquer le contraire. On reproduit ses échecs passés non pour les surmonter etc. Freud lui-même hésite (« Au-delà du principe de plaisir ») Il se demande si on ne peut pas goûter ce plaisir en le compliquant. Il pense qu’il y a dans la vie un principe plus profond, le principe de répétition. Mais il n’est pas philosophe et hésite. Tantôt c’est celui qui nous entraîne vers un retour à l’irraisonné. Thèse célèbre, le paradoxe des instincts de mort. L’instinct de conservation est précisément l’instinct de mort : je refuse toute mort qui n’est pas la mienne. Mais dans d’autres textes Freud tente d’élaborer aussi une forme originale de la répétition psychique, quand il en parle par rapport au surmoi.

En s’en tenant à ces auteurs que signifient ces tentatives qui n’ont pas encore formé un concept ? « Crainte et Tremblement » de Kierkegaard : « il ne s’agit pas pour moi de soutirer à la répétition un changement mais de changer la répétition en quelque chose d’intérieur, en l’objet même de la liberté, en son intérêt suprême. Dans « Le Concept d’angoisse » : « L’habitude apparaît dès que l’éternité se retire de la répétition »

Il ne s’agit pas de la répétition psychique ni des formes mécaniques du psychisme (habitudes), mais d’une répétition plus profonde qui n’est ni le contraire de la liberté, ni l’aliénation de la vie psychique. Elle ne fait qu’un avec la liberté. Ici rapport avec les existentialistes. L’état psychique est tourné vers quelque chose. Cf. l’article de Sartre sur Husserl « toute conscience est conscience de quelque chose «. La conscience ne se définit plus comme intériorité, elle est transcendance au moment de se dépasser. L’angoisse est bien un état psychologique qui est tourné vers quelque chose d’autre qui est précisément le péché qui n’est pas un état psychologique. Le sérieux c’est le mouvement par lequel la conscience est dirigée vers une structure de l’existence. C’est une tentative de mettre la psychologie en rapport avec quelque chose d’autre. Il ramène cela à la reconnaissance platonicienne. La reconnaissance pour lui est le concept essentiel de la philosophie antique. Il pense que la philosophie chrétienne doit rompre avec. C’est la discontinuité. Il y a l’indépendance des cas. La répétition physique ne change rien idéalement à l’objet. Elle devient cosmologique. Kierkegaard se dirige vers le concept d’une répétition proprement psychique. Nietzsche avec l’éternel retour va vers une interprétation cosmologique. Tous y ont vu la possibilité de remplacer la dialectique par une méthode différente, plus concrète selon eux.

Kierkegaard distingue trois stades d’existence : esthétique, éthique, religieux.

Le premier est le stade de la séduction, du Don Juan de Mozart. La vie de l’esthète ne peut se réaliser que par une répétition. Cf. La Nouvelle Héloïse où Saint Preux répète son passé. Mais c’est sur un plan physique. Impossible, la tentative est condamnée à l’échec.

Le deuxième est le stade de la généralité. Nous entrons dans le domaine de la loi. La situation centrale devient le mariage. La répétition éthique est, elle, tournée vers le futur, les mêmes tâches sont répétées, les mêmes vertus sont recherchées. Ce qui assure l’échec de ce stade c’est le péché qui montre le conflit de la singularité et de la généralité au sein du stade éthique.

Le troisième stade est celui où la répétition prend son vrai sens. Il invoque Abraham et le sacrifice de l’enfant. Dieu réclame d’Abraham l’absurde. Il doit tout perdre pour retrouver. La dialectique faisait appel au négatif. La notion de répétition fait aussi appel au négatif mais sur un autre plan. Kierkegaard dit que c’est le concept de la reprise, de la répétition qui est devenue psychique et elle ne fait plus qu’un avec la liberté. Quelle en est l’application ? La répétition est le sérieux de la vie. A quoi sert alors de fonder ? Si la détermination d’un fondement ne sert à rien pourquoi le faire. Elle doit apporter quelque chose de nouveau, c’est la répétition. Groupe bizarre s’il est vrai que nous prenons au sérieux. Vérité d’une répétition psychique. Pour Nietzsche la détermination d’un fondement nous livre quelque chose de nouveau, c’est l’éternel retour.

e) L’éternel retour chez Nietzsche.

C’est une notion très chargée. Kierkegaard forgeait sa répétition contre Platon. Il l’opposait à la réminiscence platonicienne. Socrate c’est le personnage obsédant. Nietzsche pense dépasser la philosophie par et dans un retour au pré socratisme. Il ne cesse de faire dire à Zarathoustra, ces animaux sont au courant. Est-ce tout qui revient ? Tout revient et aussi la pensée que tout revient. Ce qui surgit c’est l’annonce que tout revient. C’est bien d’explorer le plus ancien qui est la tâche de l’homme nouveau. Le surhomme est celui qui sait ce dont il s’agit, qui s’est affronté avec le fondement lui-même.

L’éternel retour chez les prés socratiques avait trois signes :

Astronomique, cosmologique, physiologique. Nietzsche a interprété l’éternel retour d’une manière originale.

1 le sens astronomique : série de sphères emboîtées les une dans les autres. La sphère des fixes, les sphères intérieures en relation avec les autres. Il y a bien un moment où les astres reprendront la même position par rapport aux étoiles fixes. C’est ce que les Grecs appellent la Grande Année, le plus petit commun multiple de toutes les périodes. Elle fait appel au mouvement local.

2 le sens physique et cosmologique. Est il homogène à cette première signification ? Appel à une véritable alternance qualitative selon laquelle le monde passe par des alternances de génération et de corruption, de naissance et de destruction, de catastrophes, l’eau, le feu. Les périodes de contraction et d’expansion recommencement du monde.

A partir d’Empédocle c’est la signification astronomique qui prend le dessus. Avec Platon et Aristote en tout cas n’y a-t-il pas déjà une espèce de rationalisation qui nous empêche d’en comprendre le sens ? Nietzsche a su retrouver la véritable signification de l’éternel retour. Chez Aristote l’éternel retour est d’abord lié à l’astronomie, au mouvement des sphères emboîtées les unes dans les autres. Les alternances de contraction et de décontraction ne sont valables que pour le monde sub humain. Le mode du mouvement local règle donc même les astres. Dans l’éternel retour le principe même du mouvement local suit le principe cosmologique. Conséquence énorme : l’idée que tout revient est édulcorée. Ce qui revient, ce qui se répète ce sont les choses semblables quant à l’espèce (Empédocle y est déjà). Avec les Stoïciens on revient au véritable contenu originel. L’éternel retour : les stoïciens soumettent les astres eux-mêmes à l’altération et la corruption. C’est tardivement que la signification est astronomique. Déplorable car vision mécaniste. Il y a le primat du sens qualitatif, cosmologique. L’éternel retour ne doit pas être confondu avec les cycles nous dit Nietzsche. Il s’est trouvé devant le même problème que les stoïciens, le mécanisme. Il lutte contre l’idée chère au mécanisme. L’éternel retour ne peut se ramener à une répétition purement physique. La sienne aura deux significations :psychique, le retour et cosmologique, le principe à partir duquel nous devons comprendre le sens même du retour.

Chez Nietzsche Zarathoustra est dans un rapport d’existence. Dionysos, le secret du devenir. C’est un rapport énonçable. Il y a la cohérence de certains thèmes nietzschéens : la volonté de puissance, tout est devenir, s’accompagne du concept de valeur. Ce que Nietzsche a retenu en premier c’est l’affirmation d’un devenir. L’idée que tout devient nous montre la vanité du concept d’être. Alors apparaît la notion de valeur : ce que nous prenons comme du stable se présente comme des coupes prises dans le devenir, des instantanés. Pour Nietzsche la théorie des valeurs n’est jamais séparée d’une certaine critique des valeurs et des mystifications qu’elle entraîne. C’est une notion polémique, elle dénonce. Ensuite la notion de valeur perdit son caractère explosif. Elle servit à garantir un certain ordre au lieu de mettre en question cet ordre. Il y a dépassement du problème moral, éthique. Il se pose comme pouvoir. Il s’agit de se demander ce que peut l’homme. La loi, le devoir séparaient à ses yeux l’homme d’une certaine dimension de l’homme. Une vision morale sera réintroduite mais qui ne sera plus celle de la loi et du devoir. Les modes d’existence n’étant pas de même valeur (solution possible). Le premier thème de Nietzsche donc opposition être et devenir. La notion de valeur est le rapport entre devenir et pouvoir. Idée constante chez Nietzsche du fort et du faible. Le faible se définit ainsi par une puissance et il lui faudra aussi aller jusqu’au bout. De ce fait il y a des degrés de valeur pour les faibles. Dans la Volonté de Puissance, la souplesse, la spiritualité. La racine du vouloir ne semble bien ne faire qu’un avec l’essence du devenir.

Il y a un plan plus profond : il s’agit de s’interroger sur l’être particulier du devenir. Quel serait cet être propre du devenir ? C’est l’éternel retour en rapport avec Zarathoustra. Nietzsche nous dit qu’il ne faut pas confondre le devenir avec quelque chose de devenu. Le devenir ne peut se ramener à aucune chose devenue. Le cycle, les saisons sont devenues. C’est dire qu’il y a un être du devenir. Le devenir n’est pas ce qu’il devient. Le devenir c’est le retour de ce qui devient, c’est ce qui revient.

Théorie de l’être qui se réintroduit : c’est finalement la répétition qui va signifier ce véritable être du devenir. La meilleure façon de distinguer le devenir de ce qui devient.

Pour Kierkegaard, son rapprochement = constance de la philosophie allemande, l’idée que quelque chose s’est perdue. Moins la négation d’une théorie de l’être qu’une création très originale. Dionysos est en ce sens moins profond que Zarathoustra. On comprend le secret de Zarathoustra ; tout revient y compris la pensée. Elle nous invite à forger un nouveau concept de la répétition. L’éternel retour ne se ramène pas à une répétition purement physique. La pensée aussi revient. C’est une répétition psychique (conciliation entre la volonté et le devoir), répétition cosmologique (ce qui revient se répète est physique puisque le retour de ce qui devient est l’être du devenir.

La répétition physique par rapport à la signification cosmologique ne peut se comprendre que par rapport au principe de l’éternel retour. C’est une tentative pour forger un concept original.

Chez Nietzsche la différence entre les faibles et les forts n’est pas celle qu’on vu les fascistes. Son idée c’est que les faibles ne sont pas ceux dont la puissance est moindre. Le faible physiquement peut compenser cela par une puissance spirituelle, par la ruse, par la souplesse. Le faible par définition est celui qui ne va pas jusqu’au bout de sa puissance parce qu’il n’ose pas et surtout parce qu’il ne sait pas qu’il faut aller jusqu’au bout. Ce n’est pas un savoir théorique. De quoi s’agit il pour l’homme en tant qu’homme ? Telle est la question de Nietzsche. Les faibles sont comme perpétuellement séparé de leur pouvoir. Ils s’en sont séparés au nom de la loi. Elle sépare du pouvoir car en même temps qu’elle me montre ma possibilité fondamentale elle me l’interdit : Dieu et l’arbre. Nietzsche dans Zarathoustra prend à la lettre le cantique luthérien, « Dieu est mort ». Est-ce que nous sommes jetés dans l’immoralité ? On retrouve l’existentialisme. Il y a finalement deux modes d’existence.L’immoralisme n’est pas l’immoralité. L’immoralisme est une vision philosophique qui conduit au problème du mode d’existence. On ne peut pas faire n’importe quoi. Bien plus il y a des choses qu’on ne peut plus faire quand on est fort. Nietzsche condamne le piètre, le médiocre dans « Le Bien et le Mal ». Quelque chose vient remplacer la morale. Il y a des choses qu’on ne pouvait faire qu’en se mystifiant soi même.

Conclusion :

Chestov demandait : « Qu’on me rende compte de chaque victime de l’Inquisition ». Pourquoi hic et nunc ? Tant que la raison n’aura rien appris sur la singularité qu’elle se taise. Ce sont les zones équatoriales de la pensée, lutte contre l’évidence. Que la pensée aille jusqu’au bout même s’il n’y a rien au bout.

Kierkegaard et Nietzsche vont plus loin. Kierkegaard veut réconcilier la pensée avec les catégories de la vie. La pensée doit penser l’absolument différent. Chez Nietzsche c’est Héraclite et non Job qui est invoqué. Il y a donc un rapport entre pensée et fondement qui nous dit quelque chose de bizarre. La pensée finalement dépasse la raison, va jusqu’au bout.

Ces questions existentielles nous conduisent à distinguer deux modes d’existence : le savoir et l’ignorance, la vérité et l’erreur ne se rapportent plus à l’ordre de la raison mais à un mode d’existence. Le mode d’existence inauthentique chez Nietzsche : le troupeau, la plèbe qui passe son temps à ne pas savoir.

L’idée de fondement est donc mise en rapport avec l’existence : l’homme existe d’une manière telle qu’il dévoile le fondement (Heidegger, cf. l’influence de Nietzsche sur Heidegger. Voir Volonté de Puissance, tomme 2, p.126 NRF, « Nous les hyperboréens ».

Pour Kierkegaard et Nietzsche, pas pour Chestov, la pensée est non seulement dans un rapport immédiat avec ce qui fonde mais encore ce qui fonde nous dévoile quelque chose, un secret, qui pour Kierkegaard et Nietzsche n’est rien d’autre que la répétition.

Le fondement apporte quelque chose de radicalement nouveau : la répétition qui est tourné vers le futur. (Abraham exige de Dieu que tout lui soit rendu)

II) Deuxième espèce de question : la question qui donne un principe à la solution de tous les problèmes ( Leibniz)

Idée d’une science universelle, une règle permettant de tout résoudre. Autre tentative, celle de type mathématique .« Le Discours de la Méthode », la méthode c’est une façon de résoudre tous les problèmes non résolus. Leibniz reproche à Descartes de ne pas avoir fait ce qu’il promettait : « l’art d’inventer ». Il ne faut pas mélanger les tentatives de langage universel (Renaissance) que Descartes dénonce dans une lettre, « notre raisonnement ne porte pas sur des mots, mais sur des idées » et les tentatives mathématiques.

Discours de la Méthode

On a l’impression qu’on reste sur sa faim. Il accouche de quatre règles après avoir annoncé de tels bouleversements. Mais sont elles aussi innocentes qu’elles le paraissent ?

Le sens de la méthode cartésienne.

La méthode dans son essence est mathématique et peut s’appliquer à des problèmes qui ne sont pas mathématiques. Cette idée est très fréquente au 17 e siècle et culmine avec Spinoza. Couler la philosophie, la métaphysique dans les mathématiques. Cette première tendance continue jusqu’après le Discours. Mais dans les Méditations n’intervient il pas autre chose ? La Préface : le livre va éclairer des problèmes que le Discours n’avait pas su poser. N’y a-t-il pas changement du doute et du cogito. Le « je pense donc je suis » n’apparaît pas dans les Méditations où il y a « moi qui doute je pense, je suis une chose qui pense ». Une curieuse substitution s’est opérée. A la méthode mathématique s’est substitué un fondement métaphysique.

L’analyse des Anciens est astreinte à la considération des figures, quant à l’algèbre des modernes il est astreint à des règles et des chiffres qui la rendent obscure. Descartes lui prétend arranger tout cela. Descartes prétend découvrir une unité cachée à travers toutes ces obscurités, c’est la notion de rapport qui a deux sens, unité et généralité. En mathématique c’est la même chose de résoudre un problème et de le poser. Un problème a toujours la solution qu’il mérite en fonction des systèmes symboliques, algorithmes qu’on dispose (cf. la difficulté de faire une addition ou une multiplication avec des chiffres romains). L’idée que quelque chose se conserve dans la communication du mouvement ne vient pas de l’expérience. Descartes répond et dit c’est mv. Leibniz dira : « Descartes s’est trompé c’est mv2. Certes Descartes s’est trompé, mais si Leibniz a mieux fait ses expériences c’est parce qu’il dispose du système d’analyse infinitésimal. Sans cette analyse on ne pouvait répondre mv2. On ne peut séparer un résultat scientifique du mode d’approche dont on dispose. C’est notre expérience infantile et pédagogique qui nous fait oublier cela. Le savant n’est évidemment pas un élève. Alors la méthode de Descartes est un moyen de poser autrement les problèmes, ce qui précise le sens d’une méthode universelle. Il s’agit de construire un problème mathématique tel que soient posé en une fois la totalité des cas possibles. Cf. dans l’Antiquité le problème de Pappus dont Descartes parle dans sa Géométrie. Jusque là ils le résolvaient au niveau de chaque cas particulier. Descartes invente, il n’est pas seul, la géométrie analytique et pose l’universalité des cas possibles en une fois. Ce qui lui permet de le faire est bien curieux. Texte étonnant des Méditations, la seconde, sur le morceau de cire. Tout change dans la cire et je dis c’est la même cire. Comment est ce possible ? Ce n’est pas l’étendue qui subsiste comme on le prétend. Il ne peut pas le dire car il découvrira l’idée d’étendue qu’à la cinquième Méditation. Argument logique et en fait il dit textuellement : « est ce l’étendue ? Non ». Il s’agit donc dans ce passage de savoir ce qui fonde le jugement d’identité. Ce qui demeure c’est bien l’étendue mais ce n’est pas elle qui fonde ce jugement, c’est le cogito, la pensée. Ce passage est une illustration du cogito, ce qui est cohérent.

Conclusion : c’est la pensée qui fonde le jugement d’identité et elle ne peut être confondue avec l’imagination qui ne pourrait concevoir qu’un nombre fini de cas. On retrouve le problème de Pappus. Les Anciens ne le résolvaient que par l’imagination. La pensée dépasse l’imagination, mais le rapport est curieux entre elles car la pensée ne peut se passer de l’imagination sauf lorsqu’elle se pense elle-même. La pensée algébrique la plus pure implique un dessin géométrique de coordonnées dans notre imagination, mais elle ne lui est pas identique. Descartes dévoilera la transcendance de la pensée sur l’imagination.

Pourquoi les prédécesseurs de Descartes astreignaient ils la pensée à l’imagination ? Il faut penser à leur système. Le nouveau de la géométrie analytique c’est le secret de la correspondance entre géométrie et algèbre. Les Anciens cherchaient le système de correspondance mais ce qui les barrait c’est l’idée d’une hétérogénéité géométrique. Dans l’œuvre de Viet il y a de grands principes. Deus œuvres peuvent s’additionner ou se soustraire : produit homogène, mais dans la multiplication : hétérogénéité.

L’histoire du collier de cheval dans l’Antiquité. Un jour vint un archéologue cavalier, Lefèvre Desnouettes, commandant, il regarda les poteries, l’attelage, le collier était sur le cou et non sur les épaules de l’animal. Il s’aperçu qu’ils n’utilisaient qu’une faible portion de la force du cheval. Il eut l’impression de tout comprendre. Il comprend ainsi que l’esclavage remplace la force animale. Est–ce que cette invention une fois réalisée ne nous paraît pas maintenant évidente ? Descartes lui traitera toutes les puissances comme des lignes, là encore il fallait y penser. Dans «Les Regulae », Descartes dit » ce qui est absolu c’est l’étendue mais dans l’étendue c’est la ligne qui est absolue ». C’est tout dire déjà. Conséquence pratique de la découverte de Descartes : révolution des équations. Jusque là les équations à plusieurs inconnues ne pouvaient être résolues qu’indirectement. Descartes en faisant faire ce progrès aux mathématiques ne découvre pas ce qui était déjà. Il trouve un nouveau système d’expression. Un symbole ne se définit pas par ce qu’il représente mais par les opérations qu’il rend possible, le système d’équations dans lequel il rentre.

Les règles de la méthode prennent alors une signification nouvelle.

La première. Il ne suffit pas de chercher l’évidence, il faut d’abord avoir trouvé un domaine où l’évidence prend une signification et elle ne le fait que lorsque les idées peuvent être ramenées à elle comme à un critère et ceci seulement si on dépasse l’hétérogénéité des structures. Il faut s’installer sur un terrain tel que les idées correspondantes se rapportent au critère de l’évidence. Elle ne peut devenir garantie de la vérité q’une fois le révolution cartésienne faite.

La seconde et la troisième : la différence entre deux contenus représentatifs n’est jamais qu’une différence de degré. Là encore cela suppose la révolution. Dans le domaine du symbolisme Descartes ouvrait la voie à la position même du problème. Mais il y a passage, nous l’avons vu, dans l’ouvre de Descartes d’une méthode mathématique à un fondement métaphysique. Dans le Discours le « je pense donc je suis » est présenté comme le modèle clair et distinct. Le « donc » n’est pas une conséquence. C’est un exemple en fait de vérité parmi d’autres mathématiques en forme de relation. Le « donc » marque une relation nécessaire qui se fait dans l’ordre de la connaissance. Dans les Méditations la formule n’apparaît plus. Pourquoi ? Déjà dans la première formule il y a suffisamment pour réfuter toute interprétation idéaliste de la pensée cartésienne. Dans « je suis » il y a plus que dans « je doute ». Descartes pose un être plus profond que la pensée ; celle-ci se dépasse vers un être dont elle est l’attribut. On va de la connaissance à l’être. On ne peut alors reprocher à Descartes d’avoir chosifié la pensée. Res c’est la substance. N’y a t’il pas déjà la marque d’une évolution ? Le « je pense donc je suis » nous fait passer à l’être. Descartes découvre le domaine du fondement métaphysique irréductible aux relations qui unissent les objets de la connaissance elle-même. L’ambiguïté de Descartes est la rançon de la clarté de son style.

Au niveau de ce fondement qu’apprend on ? La dualité on ne la trouve pas seulement au niveau du « cogito » mais à celui du mot idée. Il y a peu de notion aussi obscure que celle d’idée claire et distincte. C’est par exemple l’étendue et la détermination d’étendue, puis l’idée de Dieu, l’idée du « cogito ». Différence dans la forme même de l’idée. L’idée de triangle est fondamentalement comprise : le sujet qui la pose la dépasse. Une telle idée renvoie à un cogito. L’idée de Dieu est seulement conçue et non comprise. On ne peut comprendre l’infini. L’idée de Dieu manifeste de suite une présence. Dans ce cas l’idée est la présence même. Les deux directions finalement ne se concilient pas chez Descartes. Deux sens, l’un dans les œuvres, l’autre dans les lettres. Dans celle-ci il dit que Dieu est créateur des vérités éternelles elles-mêmes. Idée curieuse car l’ontologie disait que les pures essences préexistaient à l’entendement de Dieu. Les essences elles mêmes sont ramenées au simple statut des existants. La conséquence c’est toujours l’affirmation de l’ordre de l’être plus profond que l’ordre de la connaissance. Les vérités mathématiques sont créées par Dieu dans un acte libre.

Descartes laisse trois problèmes. Un problème logique : l’idée claire et distincte c’est l’idée présent nous dit Descartes. L’obscur et le confus désignent un état mutilé de l’idée, mais on ne s’en rend pas compte car on le bouche par d’autres éléments de l’affectivité. Le rapport entre Descartes et les cartésiens ? Chez Spinoza et Leibniz on rencontre l’idée adéquate. Eux posent la question : » qu’est ce qui est présent dans l’idée vraie ? » Il dépassent l’idée claire et distincte vers l’idée adéquate. Le premier reproche à Descartes d’être trop rapide, l’autre d’être trop facile (d’employer abusivement ce mot). Or qu’est ce qui se présente dans l’idée vraie ? L’idée est dans son essence un symbolisme et non une représentation. Descartes l’avait dit du point de vue mathématique mais non du point de vue du fondement métaphysique. Ce sera la grande originalité de Leibniz de chercher ce second point. Chez Descartes la détermination du fondement est donc en retard par rapport à la méthode mathématique où l’idée était représentative de quelque chose. A travers Spinoza et Leibniz la question de l’idée claire et distincte prend un nouveau sens. L’idée devient expressive. Il s’agit d’une nouvelle détermination du fondement lui-même qui se détermine à partir du rapport d’expression et se découvre en rapport direct avec le symbolisme. La méthode posait un mécanisme mathématique. Le mécanisme : entre deux choses étendues il n’y a pas d’autres différences que de degrés, figures, proportions, mouvements. L’étendue était conçue comme masse inerte en repos. Dieu y mettait le mouvement. Dans les Principes Descartes dit que entre l’attribut et la substance il y a une différence de raison. La chose étendue dit il est quelque chose de plus.

La troisième difficulté concerne la notion de substance. Le res pour Descartes ?

Toute l’équivoque de Descartes consiste en ce qu’il maintient l’idée comme seulement représentation du point de vue du fondement métaphysique. Un philosophe à ce niveau prend le relais de Descartes : Leibniz qui retrouve la théorie de symbolisation de la Renaissance. Qu’est ce qui s’exprime dans l’idée vraie ? Le composé symbolise avec le simple nous dit Leibniz.

a) Leibniz et la conception de l’expression.

Œuvre curieuse : beaucoup de lettres dans lesquelles il expose sa philosophie selon le niveau de ses correspondants. La pluralité de niveau symbolise les uns avec les autres. En métaphysique il découvre le principe de raison suffisante. En physique il découvre la force. Et curieusement les deux résultats vont s’appuyer l’un l’autre. Extraordinaire construction de problèmes résolus grâce à un jeu de principes, identité, raison suffisante, finalité, indiscernables, continuité. Ils lui servent dans la construction de tous les problèmes qui finalement symbolisent : savoir universel.

La physique. Il s’aperçoit que Descartes s’est trompé. C’est mv2 qui se conserve. Est-ce une simple question de fait ? Malebranche savait aussi que c’était mv2 et il en a tiré la conséquence que après tout ça n’a pas d’importance pour le cartésianisme. Pour Leibniz au contraire ça suffit pour confirmer que l’étendue n’est pas substance. Il reproche à Descartes d’avoir confondu relatif et absolu. Ce qui se conserve c’est la vitesse relative.

Soit A et B.

V la vitesse de A avant le choc.

Y « « « B « «

X « « « A après «

Z « « « B « «

Ce qui se conserve c’est V-y = X2 Seule l’élévation au carré assure V positif. C’est la quantité de force active qui se conserve. La force alors définie dans l’instant est la raison de l’effet futur. C’est elle qui est substance et non pas l’étendue. Celle-ci sera d’un ordre phénoménal. La force s’exprime dans l’étendue. Elle est substance c'est-à-dire pouvoir d’unification, dynamisme, d’un ordre tout autre que la physique. D’où le thème de Leibniz, la désubstantialisation de l’étendue. Il y a déjà une réponse sur le plan physique à la question qu’est ce qui s’exprime ? L’étendue est bien composée mais elle est infiniment divisible. Jamais on ne retrouvera quelque chose de simple en restant sur son plan. C’est la critique de l’atomisme qui a prétendu trouver le simple sur le plan du composé. Il y a bien des éléments simples mais qui ne sont pas des unités matérielles mais dynamiques. La force est bien la raison de l’étendue. La recherche métaphysique allait confirmer cela car Leibniz allait rencontrer le principe de raison suffisante qui devait s’exprimer avec la force d’une inerrance de prédicat au sujet. Descartes dans la 3eme Méditation nous dit que Dieu crée le monde à chaque instant. C’est donc qu’il y a une discontinuité radicale du temps. Un instant n’est jamais la raison du suivant. La théologie de la création continue constitue une représentation géométrique. La nature est donc justiciable d’une science mécanique car elle n’a pas de pouvoir, de potentialité. Dans le monde lui-même tout était étendue et mouvement. Il y avait réduction de la physique à la géométrie. Soit un corps au moment T. Quelle est la différence entre ce corps immobile et en mouvement ? Aucune pour Descartes. Ainsi le résultat mv ne peut se trouver que lorsque le problème du mouvement est posé comme Descartes l’a posé. Pour Leibniz mv2 signifie qu’au-delà de l’étendue il y a la force. Le corps qui de meut est différent à l’instant T car il contient comme la raison de ses instants futurs, le pouvoir d’aller plus loin. La force contient le principe des états futurs. Leibniz ne pouvait découvrir mv2 que grâce au calcul infinitésimal. Le repos n’est qu’une vitesse infiniment petite et il y a une différence entre les deux corps. Le repos est un cas particulier du mouvement. Ainsi le rapport entre la force et les états futurs est un différentiel, intégral. 1=1/2+1/4+1/5 …

La grande erreur de Descartes pour Leibniz c’est d’avoir confondu étendue et substance. Il n’a pas vu le plus profond qui est la force. Avec Leibniz se fonde une grande théorie du phénomène, encore que très différente de celle de Kant.

La révolution est énorme. Leibniz peut reprocher à Descartes d’avoir maintenu substance et étendue pour les identifier alors qu’elles sont contradictoires. Que signifie le « par delà l’étendue » ? Il n’y a pas d’une part les forces et d’autre part l’étendue. Celle-ci est posée nécessairement. La force l’exige. Leibniz donne un statut à la symbolisation. L’étendue est l’expression de la force. Conséquence : le mécanisme cartésien ne contient pas sa propre raison. Echange de lettres entre le chimiste anglais Boyle et Spinoza. Il lui envoie le résultat sur deux corps le nitre et le salpêtre et lui dit qu’on voit bien que tout se fait mécaniquement dans la nature (différence de.) Spinoza lui répond qu’il enfonce des portes ouvertes. Il y a une nouvelle tâche qui est de surmonter l’erreur de Descartes d’avoir érigé l’étendue en substance. Le mécanisme est vrai mais il faut une raison de la proportion elle-même. Spinoza s’oppose alors à Leibniz et il restitue la notion d’essence. Il y a une essence du nitre et du salpêtre puisque la question subsiste, pourquoi cette proportion plutôt qu’une autre. Raison qui ne pourra jamais selon Spinoza être tirée de la finalité, niant finalement le mécanisme. Leibniz au contraire la trouvera cette raison dans la finalité. Il introduit le premier le vieil argument : la démonstration par le maximum et le minimum est la meilleure. Minimum de moyens pour obtenir le maximum d’effets possibles.

Tout se passe par mécanisme mais celui-ci n’a pas sa raison en lui-même. Leibniz est en train de déterminer une nouvelle nature du fondement, il est raison. La raison de quelque chose est ce qui s’exprime, se manifeste et que dès lors par delà ce qui se manifeste il faut chercher l’être. Il y a l’être de ce qui se manifeste.

Leibniz : « la voie brève de la substance », dans la première page de « La Monadologie ». « Il faut bien qu’il y ait des simples puisqu’il y a des composé »

Leibniz lutte contre l’atomisme et le cartésianisme et il pré lutte contre une fameuse antinomie, la seconde de Kant dans La Critique de la Raison Pure, « la thèse il y a du simple, l’antithèse rien n’est simple dans l’univers ».

Il s’oppose à l’atomisme. Jeune il y croit et il ne perdra jamais sa sympathie pour lui. Il voudrait un atomisme spirituel. L’atomisme divise l’étendue et se heurte à des corps simples, les atomes. Critique d’atome ou de point : notions vides parce que contradictoires, elles impliquent l’étendue. Le point ne peut engendrer que par le mouvement. Descartes a définitivement montré cela dit il. Mais peut on dire que dès lors il n’y a pas de simple. Oui dit Leibniz sur le plan de l’étendue. Les simples ne sont pas de même nature que le composé. Le simple est comme la raison de ce qui se passe dans l’étendue. Quelle est cette autre nature ? Ce simple sera sans doute de la nature de la force. Le composé n’est rien d’autre que la manifestation du simple. Il s’agit de bien lire la nature, d’interpréter les signes et alors nous saisirons l’être de ce qui apparaît. Ce qui est impossible pour Kant. La force exprime la vraie substance dans son rapport avec l’étendue, mais la véritable substance est métaphysique. C’est le monde dont la force était à son tour l’étendue. Tout être a une raison dit Leibniz. Le fondement de la connexion se trouve dans les notions dit il parfois. Ou encore toute proposition vraie est analytique. Quelque chose étant donné le principe nous invité à la mettre en relation avec autre chose, la cause qui est la raison nécessaire. La raison suffisante est donc ce qui manque à la cause. D’où la seconde expression.

Quelle est la raison ? C’est dans la raison qu’il faut la trouver. Cf. le « César a franchi le Rubicond » Deux termes de notions. Passer le Rubicond n’est pas extérieur à la notion de César. Mais la raison du passage, inhérence à la monade. Le sujet comme notion. La proposition A est A est vraie et nous donne la forme de l’identité, toute proposition analytique. Donc inversement toute proposition vraie est nécessairement analytique. La notion doit comprendre ce qui est extérieur à son sujet. L’extériorité de quelque chose trouve dans l’intériorité le plan des phénomènes. Non plus à César mais à la notion de César. La monade sera l’unité de la raison suffisante et de l’individualité. Intériorité des phénomènes aux notions. Il était contenu dans la monade César qu’il franchirait le Rubicon. Trans. phénoménal des connexions, des rapports. « Chaque monade exprime la totalité du monde »

Comment peut il y avoir des relations entre les choses ? La substance est individuelle. Chaque notion exprime la totalité du monde. Le monde c’est l’intériorité de la notion elle-même. Le génie de Leibniz fut de faire du concept un individu.

La raison est ce qui contient la totalité de ce qui arrive et peut être attribué à l’objet correspondant. Le concept dès lors ne peut plus être une idée générale. C’est une notion individuelle. Le concept va jusqu’à l’individu lui-même. Dans l’idée de monde se concentrent tous les sens possibles du mot sujet. L’idée de subjectivité se déploie à travers le sujet de la proposition, l’opération de la connaissance.

Comme l’étendue exprime la force, le relatif exprime le substantiel, c’est-à-dire les monades et leurs rapports. D’où le statut philosophique que donne Leibniz : les phénomènes sont bien fondés. Ce monde absolu nous conduit à concevoir un monde pluraliste. Ce monde n’existe pas en dehors des monades qui l’expriment. Chaque monade représente la totalité du monde. Ainsi la monade est la loi d’une série (forme mathématique = 1+1/2+1/4+1/8 etc.)

Qu’arrive t’il ? Qu’est ce qui distingue les monades les unes des autres ?

Une première réponse de Leibniz est bien curieuse. Chaque monade exprime bien la totalité du monde mais aussi une partie du monde clairement et distinctement. C’est la portion du monde par exemple en relation avec le corps de César. La notion cartésienne de claire et distincte est radicalement renouvelée puisque subordonnée à une théorie de la notion d’expression. Le point de vue de chaque monade ne fait qu’un avec son individualité. Mais qu’est ce que ce corps empirique ? Ce n’est rien d’autre que l’expression du point de vue de la monade. Leibniz joue ainsi toujours sur deux tableaux inversés suivant les gens à qui il s’adresse. La conciliation se fera au niveau de Dieu. D’où sa conception étrange de « l’harmonie préétablie » qui sera présentée aussi d’une façon très différente selon ses interlocuteurs. Cette harmonie règle les rapports entre les âmes (monades) ou les notions individuelles. Puisque le monde n’existe pas indépendamment de chaque monade qui l’exprime, tout le problème de la consistance du monde réside dans la relation des monades entre elles. C’est une harmonie intérieure des monades qui va fonder la consistance extérieure du monde. Le corps, dit il, c’est la pluralité du monde. Il faut faire un atomisme spirituel. Les monades ce sont des automates spirituels. C’est une tentative pour dépasser l’alternative automatisme ou liberté.

Du point de vue éternel des monades que se passe t’il ? L’expression exprime quelque chose mais ce quelque chose n’existe pas sans son expression. C’est toujours le problème de l’extériorité. Si le monde apparaît à chaque individu comme extérieur à lui – hésitation de César devant le Rubicon – c’est que chaque monade que je suis est en relation avec les autres et qu’il y a correspondance à son heure. A ce niveau il n’y a plus de choix. La cohérence logique devient délire. L’espace et le temps expriment alors l’ordre des coexistences possibles et des successions possibles. Le monde alors apparaît comme un phénomène bien fondé.

La métaphysique de Leibniz est la dernière grande théologie dans l’histoire de la philosophie.

Jeu de principe. Première difficulté : rapport exact entre principe d’identité et principe de raison suffisante. L’idée de fondement demande plus que le principe d’identité. La philosophie commence avec une phrase de Parménide : « être est et le non être n’est pas ». A première vue principe d’identité. La philosophie demande un principe à partir duquel penser l’existant. Aristote : « Le problème de la philosophie est, quand il y a de l’être ? » Est-ce le principe d’identité (A est A) qui nous permet cela ? L’être est le non être n’est pas. Le deuxième c’est le principe de non contradiction. Hegel remarquait qu’on a beau traiter le principe de non contradiction A’ n’est pas A comme un doublet du principe de contradiction A est A il y a une nouveauté irréductible, l’introduction du négatif. Malgré que deux négations s’annulent, il y a un retour au positif seulement après une négation de la négation. Pour Hegel le principe d’identité est moins un principe que la réclamation d’un principe. C’est seulement après la négation de la négation que peut se fonder le principe de l’existant. Voila pourquoi la formule de Parménide n’est pas aussi claire qu’elle paraît. Il y a comme une identité retrouvée à travers autre chose qu’elle. N’est ce pas le même problème de Leibniz ? La raison suffisante suppose le principe d’identité mais il est bien autre chose qu’une conséquence de ce principe. Il le suppose puisque toute proposition vraie a-t-il dit est analytique. Mais il en est la réciproque : toute l’identité est retrouvée dans l’existant et pour cela il fallait un autre principe que nier la réalité de l’existant. Le principe de réalité est incapable de se retrouver tout seul. Ainsi le principe d’identité est règle des essences. L’analyse qui arrive à démontrer l’identité de César et de franchir le Rubicon est « infinie » y compris pour Dieu. Mais pour lui il est actuel, il se saisit d’un seul regard.

Le deuxième principe : de finalité ou du meilleur. (cf. harmonie entre les notions.) D’où l’idée du meilleur des mondes possibles. Il se manifeste ainsi à partir des essences elles mêmes. Chaque essence est possible et non contradictoire. En fonction de cette possibilité elle tend à l’être, mais encore faut il que ces essences soient entre elles compossibles.

Le principe de continuité qui exprime le rapport entre chaque notion individuelle et ses attributs. Ainsi chaque principe est l’expression de l’un de l’autre. Le principe des indiscernables qui recueille tous les autres : « chaque chose a sa notion ». Il n’y a pas deux notions ayant les mêmes attributs. (Attaque de Kant à partir de « l’Esthétique »

Que signifie ce groupe de principes qui se réclament de la raison suffisante ?

Conclusion

1 Une philosophie du symbolisme universel.

2 Jeu de principe que Leibniz retrouve dans tous les problèmes concrets. Parfois deux cas étant aussi peu différents qu’on voudra dans les lois cartésiennes les effets de ces mouvements seront différents. Cela suffit à Leibniz pour prouver que ces lois sont fausses.

3 Grande ambiguïté chez Leibniz. Il sent tout le temps que le principe de raison suffisante est bien autre chose que le principe d’identité. Insuffisance de ce principe qui ne peut retrouver l’identité des choses. La détermination du fondement présuppose bien l’identité mais il faut un principe qui rapporte les choses à l’identité. Il fallait changer la notion des rapports mêmes de l’essence et de l’existence de telle façon que ce qui fait premier se présente comme fondement. Objections de Hegel dans la Logique : il le félicite d’avoir découvert le domaine de la raison suffisante mais il a eu tort, dit il, de le déduire du principe d’identification.

Domaine du fondement métaphysique et domaine des mathématiques chez Descartes (cf. Plus haut)

De ce point de vue chez Leibniz l’ambiguïté cartésienne disparaît, est dépassée. Leibniz peut considérer qu’il a refonder le savoir absolu, la science universelle et qui usera cette méthode de tout un jeu de principe où est donné la raison elle-même.

On peut dès lors comprendre un texte fondamental de Leibniz, « De l’Origine radicale des choses ».
Deux questions : 1 : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?

2 : pourquoi ceci plutôt qu’autre chose ?

Elles vont servir de règles à la solution de tous les problèmes dans le monde.

A la première répond le domaine des essences régies par le principe d’identité.

A la seconde répond le domaine des existences régies par le principe de raison suffisante.

Faire de la philosophie pour Leibniz c’est poser ces deux questions fondamentales. Toute la conception théologique de Leibniz dépend de là. La première est une question qui reçoit sa réponse de l’existence même des essences. Ce sont deux questions qui vont se retrouver au niveau de tous les problèmes posés par Leibniz. Elles contiennent déjà les règles de toutes les solutions. Or à ce niveau encore on rencontre la même difficulté. Les deux questions ont-elles les mêmes valeurs ? Pourquoi commencer par l’une plutôt que par l’autre ? C’est parce que les essences précèdent chez Leibniz les existences. Ces deux questions pourtant sont elles également légitimes, sont elles l’une et l’autre bien posées ? Constitutions étonnantes de principes logiques. Véritable critique des conditions sous lesquelles un problème est bien posé. N’est ce pas seulement la deuxième question qui est bien posée ? L’originalité de la question du fondement n’est elle pas dans la deuxième question ? La question devenait de première main dans le rationalisme absolu. La question, avions nous vu, était une critique des conditions de possibilité du problème.

Kant alors : « Critique de la Raison pure ». Jusque là le savoir s’est évalué aux solutions apportées aux problèmes et Kant annonce qu’il va poser la question : « n’y a-t-il pas de faux problèmes ?

III La troisième sorte de question : la question critique.

a) Le concept d’erreur en philosophie.

Mobile de « La Critique de la Raison pure ». La pensée est entraînée par une illusion fondamentale, inévitable. Ce n’est pas une illusion qui marque la réaction sur la pensée de nos passions, mais l’influence de la pensée sur la pensée. Le préjugé pour Descartes venait de ce que nous ne sommes pas simplement des êtres pensants. Le principe d’illusion vient du corps. L’idée de Kant c’est que la pensée pure tombe dans une illusion qui lui est intérieure. D’où « l’illusion transcendantale » et non l’illusion empirique. C’est la raison qui engendre l’illusion dans laquelle elle tombe. Dès lors elle ne pourra jamais disparaître. Il faut seulement empêcher qu’elle ne nous trompe. Cette illusion appartient à la nature de la raison. La dialectique c’est alors à la fois le mouvement de l’illusion transcendantale et en même temps la conscience de cette illusion. C’est un véritable tournant de la philosophie. Il annonce que la doctrine de la vérité est totalement à remanier. Les rationalistes de 17eme siècle pensent que la pensée en tant que telle est par nature droite, soucieuse de vérité, désir du vrai (cf. Descartes, Malebranche). Ils interprètent alors l’erreur en tant que pur fait. C’est parce que nous ne sommes pas des êtres pensants que nous nous trompons. La méthode sert pour la nature humaine à rejoindre la nature de la pensée. La doctrine de la vérité appelle donc la constitution d’une méthode.

Pour Kant il ne suffit pas d’une méthode, le problème est totalement changé. On aura à se demander si Kant a été jusqu’au bout des conséquences. En tout cas il a vu que la vérité qualifie les problèmes. L’illusion pousse la pensée à poser de faux problèmes. Il y a une rupture sur tous les points avec le rationalisme classique.

Ce principe se retrouve chez d’autres auteurs, ce qui montre qu’il ne s’agit pas d’une doctrine. Chez Spinoza, la vérité est vraie en elle-même. L’erreur n’a rien de positif. En Dieu toute idée est vraie. La pensée en sa nature n’est pas droite pour Kant. Mais tous les philosophes d’une certaine manière ne nous suggèrent ils pas la faiblesse des rationalistes. Cf. chapitre 8 de la République de Platon) Le thème de Platon sur « l’âme ignorante ». N’y a-t-il pas plus que la simple notion d’erreur. La « mania » des Présocratiques est bien autre chose que le fait de se tromper.

Platon demande la « palideïa », la pensée doit d’ abord s’installer dans une région, un domaine où la vérité existe. Alors loin d’y trouver sa vocation, sa nature spontanée, elle commence par être éblouie et il faut y amener de force. La pensée est en rapport avec le vrai pensent les rationalistes. Quelle est la meilleure position du problème ? Chez Platon on nous invite à penser en terme existentiel ( situation de la conscience de l’âme).

Remaniement d’une doctrine de la vérité.

Première tâche assurée par Kant et la tradition kantienne. Mettre en question l’intériorité réciproque de la pensée et du vrai.

Seconde tâche : substituer à l’idée de méthode l’idée d’une formation. La vérité subsiste en dehors de la pensée et doit contraindre la pensée pour se faire connaître d’elle. Kant ne l’a pas si bien vu. La vérité subsiste hors de la pensée. Même si nous étions des anges, des êtres réellement pensants, ça n’arrangerait rien.

La vérité ne qualifie plus une idée mais doit être définie comme quelque chose. La vérité c’est l’être.

Pourquoi Kant n’a pas vu le second point ? En vertu de la thèse kantienne que l’être n’est pas objet de connaissance mais que la connaissance porte sur les phénomènes. Mais ce point est il nécessairement impliqué par l’autre point sur l’illusion ?

Des penseurs disent que la tâche est de dénoncer les mystifications. Le premier Démocrite, puis Epicure, Lucrèce. Mystification à dénoncer. Tradition qui se poursuit jusqu’à Nietzsche, Marx. Ils nous disent que l’homme est aliéné. Il est comme privé, séparé de son propre pouvoir, de sa propre puissance, si on transporte cette entreprise au niveau de la philosophie. De deux choses l’une : au niveau de Descartes inférieur à l’exploration kantienne. Tout de même l’idée de faux problème apparaît chez Kant. Les faux problèmes consistent tous pour lui a prendre le plus pour le moins. Pour Kant ils consistent à prendre des principes subjectifs pour des principes objectifs. Pourquoi de l’ordre plutôt que du désordre, quelque chose plutôt que rien ? Bergson dit que c’est un faux problème parce qu’il repose sur un postulat : le néant est moins que l’être, le possible suppose l’être. Cf. l’article de Bergson sur le « possible ». Nous croyons que le possible est moins que l’être et nous posons alors que le possible précède l’être, l’existant. Il n’y a pas moins en fait mais plus dans l’idée de possible.

L’illusion, elle, est positive. On en prend conscience mais elle n’est pas détruite. La conception classique consiste à nous dire que la vérité se conquiert sur l’erreur. L’illusion est engendrée par la pensée dans sa nature. Opposé aux rationalistes du 17eme siècle.

Il est très frappant que Bergson nous dise la même chose que Kant et sur un point il va moins loin, sur un autre plus loin. Moins loin : l’illusion s’explique par des raisons psychologiques. En vertu de l’action pratique Kant a trouvé à l’illusion une racine transcendantale. Elle n’a pas sa source dans autre chose que la pensée elle-même. Cette thèse donne toute la dernière partie de la Critique de la Raison pure. Si la source de l’illusion est transcendantale autant dire que l’illusion n’a pas simplement une racine empirique (un fait de la nature humaine) mais métaphysique. Mais alors c’est la même chose de dire que la métaphysique est illusion. La métaphysique n’est pas possible mais elle peut être détruite. C’est un passage de l’une à l’autre très étonnant.

L’illusion pour Bergson est assez simple. Elle se ramène à ceci : la pensée prend le plus pour le moins. Les problèmes de la métaphysique classique sont de faux problèmes.

Deux manières de critiquer la métaphysique :

1- pas sérieuse, au nom d’autre chose qu’elle (au nom de la science).

C’est la critique scientiste. Cf. déjà les empiristes Hume. Les sciences de l’homme)

2- séreuse. Chez Marx il ne s’agit pas de substituer la science à la métaphysique

mais de dépasser la métaphysique. Réalisation et mort de la philosophie = réalisation et mort de la métaphysique.Cf. Heidegger aujourd’hui qui se réclame de Kant et annonce qu’il veut dépasser la métaphysique.

Dépassement de la métaphysique ?

a) Bergson : la pensée prend le plus pour le moins. Les questions classiques déjà

vues présupposent l’antériorité du possible. Le quelque chose est appréhendé comme pouvant être et pouvant ne pas être. Bergson montre alors que le possible est second au réel. Il n’y aurait rien manqué à la littérature si Proust n’avait pas existé, mais une fois seulement qu’il a existé. Le possible est une opération du réel projetant son image dans le passé.
La critique de Bergson de l’idée de désordre et de néant a le même sens. Le néant c’est l’être plus la négation qui le nie. L’idée de néant ou de désordre est purement relative à l’action. Dans le néant il n’y a pas moins que dans l’être il y a plus. D’où on prend le plus pour le moins. Puisque ces questions s’annulent la métaphysique est dépassée.

b) Pour Kant la forme de l’illusion est plus profonde. Il veut atteindre une racine transcendantale. Quelle est la formule de l’illusion ? Elle consiste à prendre un principe subjectif pour un principe objectif. Il ne veut pas dire que l’erreur consiste à prendre du subjectif pour de l’objectif. Il parle de principe. Qu’entend il par là ? Pour le comprendre il faut penser à son idée sur la subjectivité, la subjectivité transcendantale. Nous sommes sujets empiriques mais nous ne sommes pas que cela. Une véritable subjectivité absolue que sera t elle ? Un sujet qui n’est que sujet ne s’opposera pas à l’objectif. Le subjectif est ce qui devient objectif appliqué aux phénomènes.

Des conditions chez Kant rendent la connaissance possible. Celle-ci ne peut être ramenée à des objets connus puisque ceux-ci impliquent déjà des conditions de la connaissance. Ces conditions sont subjectives. Il s’agit déjà d’une subjectivité transcendantale qui fonde l’objet comme objet de connaissance et rend nécessaire la soumission de cet objet à la connaissance.

L’analytique, deuxième partie, y répond. Les conditions de l’expérience sont en même temps conditions des objets de l’expérience. Les phénomènes ce sont ce qui apparaît. Connaître est ce seulement saisir ce qui apparaît ? Pas exactement. Ce qui apparaît c’est un flux de qualités sensibles. Connaître c’est faire de ces qualités la qualification de quelque chose. Kant : l’objet = x qui est une fonction de la connaissance. Ces conditions renvoient l’une à la sensibilité (l’espace et le temps), les autres à la spontanéité, ce sont les catégories. Il y a chez Kant une véritable unité du sujet et de l’objet. Unité de la connaissance et du connu. Mais cette unité est subjective. (L’objet tel qu’il m’apparaît). Dès lors quelle était la grande règle de la connaissance légitime ? Il n’y a pas d’autre connaissance que celle des phénomènes eux-mêmes. Il n’y a pas de connaissance de la chose en soi. Il n’y a de connaissance que dans l’expérience.

Second aspect de la thèse kantienne. Kant distingue alors l’intuition et le concept. Le phénomène est intuition : espace et temps forment de l’intuition dans laquelle apparaît le phénomène. Les catégories cette fois déterminant le phénomène apparaissent dans l’espace et le temps en un objet quelconque. On ne peut connaître que par concept et intuition. Il n’y a de connaissance légitime que lorsque je dispose d’un concept tel que je puisse en produire l’objet dans l’intuition. Kant va nous montrer que c’est là la formule des mathématiques et de la physique. Le concept mathématique est la règle de construction d’un objet dans l’intuition elle-même. La physique bien que procédant autrement se ramène aussi à cela. Mathématique et physique : système de connaissance légitime donc au second résultat : répond une autre formule. Il n’y a pas de connaissance des noumènes (attention au presque contre sens). Chez Kant il y a chose en soi et noumène et chaque fois il dit qu’il n’y en a pas ce connaissance. On risque de traiter chose en soi et noumène pareillement : pire qu’un contre sens parce que ça n’en est pas un. Le noumène c’est la pure pensée. La connaissance des noumènes serait par pur concept. (Il n’y en a pas plus que par pure intuition). Cette connaissance par pur concept c’est ce que les classiques ont toujours appelé métaphysique. Kant ne se répète donc pas, c’est la même chose mais d’un point de vue différent. La chose en soi s’appelle noumène, c’est ce qu’elle devrait être s’il y avait une connaissance possible par pur concept. « Le subjectif n’est que ce qui devient objectif qu’appliqué aux phénomènes ». Le principe subjectif de la connaissance fonde l’objectivité de la connaissance en tant que phénomène. Usage excessif des catégories lorsqu’on s’en sert pour connaître un objet hors de l’expérience. L’ensemble de l’expérience comme monde je le traite comme monde. (Dieu est cause du monde : exercice illégitime)

L’illusion de la raison consiste à nous faire sortir des limites en dehors desquelles les catégories sont illégitimes. Le moi substance, le monde et Dieu impliquent selon Kant un usage illégitime des catégories. Ces trois idées ont pourtant un sens, elles sont bien fondées. Ces idées de la raison pure ont un sens fondamentalement subjectif, elles sont idées de la raison et non catégories de l’entendement qui se rapportent aux phénomènes alors que la raison se rapporte à l’entendement lui-même, elle est faculté de lier les règles selon les principes. Les idées ont bien un sens légitime à condition que je n’oublie jamais qu’elles sont subjectives. Ce sont des principes régulateurs et non constitutifs. L’entendement c’est bien du subjectif mais qui est devenu objectif en s’appliquant aux phénomènes. Il n’a donc pas seulement trouver une racine négative de l’origine de l’illusion, une racine illégitime des catégories mais encore fallait il qu’elle soit inévitable.

Kant ne critique donc pas la métaphysique sur le premier plan et pourtant il n’y a de connaissance que mathématique et physique. La conscience doit prendre conscience de cette illusion. D’où la dialectique : mouvement générateur de l’illusion et dénonciateur de cette illusion ne font qu’un, car la dénomination ne l’anéantit pas. Ici s’ouvre une tâche étonnante que Kant appelle la critique. L’idée pose un objet qui lui correspond et que je prétend connaître par elle seule : la critique c’est le démantèlement du mécanisme et la dénonciation de l’illusion. La métaphysique comme illusion ne peut être anéantie mais soumise à la critique. Il s’agit de faire en fait une métaphysique nouvelle. cf. Hegel. Rappelons le classicisme : distinction de deux mondes qui parcoure toute la philosophie. Pour Kant il y a encore des essences mais elles ne sont pas objets de connaissance. La philosophie dès lors n’a pas la tâche de découvrir les essences mais de déterminer les conditions. A quelles conditions les mathématiques, la physique etc. la moralité sont elles possibles ? Kant substitue la notion d’apparence. Le phénomène c’est le conditionné, c’est l’apparition. De la même manière transformation radicale, l’idée de condition vient relayer l’idée classique d’essence.

La métaphysique devient une logique car elle est détermination des conditions et non découvertes des essences. Cf. plus tard la postérité de Kant : il n’y a pas deux mondes, d’une certaine manière on assiste à un retour à l’essence mais plus avec le sens du classicisme. L’essence c’est le sens même du phénomène correspondant. La métaphysique devient une logique.

Conclusion

Les questions paraissent bien bizarres.

Au niveau existentiel. Exemples seulement, il s’agissait de demander des comptes sur tout. A u niveau de Leibniz : deux questions et non pas trois. La question critique (préface de la Critique de la Raison pure). Le savoir doit se comporter à des conditions qui le rendent possibles.

Il y avait trois aspects du fondement :

-le premier, lutte et opposition du concept et de la subjectivité. La question allait jusqu’au bout. Cette lutte si intéressante du point de vue de la subjectivité avait son correspondant sous forme d’une relation inverse. Le concept impliquait un anéantissement de la subjectivité. L’idée chez Platon impliquait le néant des personnes.

-la seconde, la question métaphysique de Leibniz. Le concept cette fois va jusqu’à l’individu. Le fondement se présente comme la raison suffisante à condition qu’il se déploie et soit la règle d’un savoir absolu.

- la troisième : à l’idée d’un savoir absolu que Kant condamne se substitue l’idée d’une critique du savoir ou l’idée d’une détermination des conditions du savoir. Mais cette ruine de la métaphysique annoncée par Kant ne fait elle pas place à la détermination d’une nouvelle métaphysique.

Nouvelle règle relative au fondement : c’est l’identité de la condition et du conditionné. Les Post kantiens n’allaient ils pas chercher à déterminer dans un concept la relation de la condition et du conditionné. Histoire : Schelling critique contre Kant, Hegel.

Chapitre ?

FONDEMENT DE PRINCIPE

Introduction

Une question était appel à ce qui fonde. Nous avons trouvé trois structures de question.

1- La question d’existence dénonçant les réponses comme de seconde main. Quant au fondement il faisait taire les réponses et l’opération de ce fondement consistait dans le paradoxe.

2- La question qui prétendait nous mener à la science de toutes les solutions aux problèmes possibles selon un principe universel.

3- La question critique réclamant une critique des conditions sous lesquelles le fondement était posé.

Dans cette triple fonction de fondement, perpétuellement la notion oscille entre deux pôles. Doit il être conçu comme un principe des choses en elles mêmes ou pour notre simple connaissance des choses ? Deux pôles : méthode ou système. Fondement de la méthode = principe de notre connaissance des choses.

Fondement d’un système. Y a-t-il lieu de proposer du fondement une conception méthodologique ou systématique ? Question d’autant plus importante que l’histoire de la philosophie oscille entre ces deux pôles.

I) Méthode et système

Que signifient ces deux notions ? Leurs caractères extérieurs mêmes les opposent. Grand manifeste même du système qui s’oppose à la méthodologie : Préface aux Principes de la Phénoménologie de Hegel. La méthode : idée de recherche, idée de voir.

Elle se présente toujours comme un principe. La méthode c’est l’organe (l’organon). Après Aristote son œuvre est appelée l’Organum. Cf. la nouvelle organisation de Bacon, livre extraordinaire. Toutes les trois lignes on trouve des métaphores splendides. On a pu croire qu’il avait écrit les œuvres de Shakespeare. Perspective non plus moyen / fin, mais tout / partie. Les Stoïciens disent du monde qu’il est système. Méthode et système se réclament d’un principe, mais pour la première c’est le principe de la connaissance des choses et pour le second le principe des choses en elles-mêmes.

Trop facile de dire que le système serait l’idéal de la méthode. Cela néglige que chacun de leur côté ils se réclament d’un principe. La méthode demande un principe de connaissance des choses. Et ce principe se présente comme premier et non pas subordonné au principe des choses en elles mêmes, s’il existe. Le système lui renverra à l’organisme. L’organe ne peut se comprendre comme un ensemble orienté de moyens. L’organisme ne peut se comprendre qu’à partir de la liaison tout, partie.

On reconnaît une méthode à trois choses.

1) exigence d’un commencement. (Descartes, Règles de la Méthode. Partir du simple)

Dans le système refus d’un commencement. Il se présente comme circulaire. Phénoménologie de l’Esprit, Logique pp.50-60) La méthode est telle que son contenu lui vient toujours de dehors pour Hegel alors que le système ne fait appel à aucun contenu venu du dehors. Il est à lui-même sa propre base.

Pourquoi le commencement est il illusoire ? Parce que c’est l’exigence de quelque chose qui serait posé comme absolument immédiat. Il n’y a rien qui implique aussi bien l’immédiateté que la médiation.

« Ce qui importe à la science (savoir) ce n’est pas tant que le commencement soit immédiateté pure mais le fait que son ensemble représente un circuit absolument fermé où ce qui est premier devienne dernier et vice et versa »

2) exigence d’un principe d’économie. (À développer à partir du rationalisme classique). Rapport moyen et fin analysé alors au niveau théologique. C’est au niveau de Dieu que se trouve le principe d’économie. Ainsi justification du mal : minimum de moyens pour obtenir un maximum d’effets. Le miracle ? Correction du mal qui est l’inconvénient du principe d’économie Cf. Malebranche. Dieu agit méthodiquement.

Autre caractère du système : impression que nous donne le système, l’exubérance, l’excès du concept. A la simplicité des moyens de la méthode s’oppose la luxuriance du concept. Les meilleurs biologistes nous rappellent que organiquement nous avons trop de tout. Cf. le biologiste hollandais Bujtentijk dit « l’oiseau chante plus que ne le permettrait la sélection naturelle ».
Ainsi exubérance du concept dans le système. Plaisanterie de mauvais goût cf. Gabriel Monod, « le concept est trop pauvre ». C’est le contraire, l’existant ne remplit pas tout le concept. Cf. le concept d’amour. Aucun amoureux ne peut dire « je suis aimé ». Le concept le déborde de toutes parts. Il comporte en plus le sens d’un objet. Il comporte l’inconscient, la dimension non donnée. Au minimum de moyens il faut opposer l’exagération fondamentale du concept lui-même.

3) Artifice et fiction.

1- Règle de la méthode. Au courant de la troisième : il faut aller jusqu’à feindre un ordre entre des choses qui ne se précèdent pas les unes les autres. Leibniz : dans la méthode il faut utiliser des fictions, des symboles imaginaires qui ensuite seront réduits.

Il y a donc un mouvement perpétuel de l’homme de la méthode : « voyez vous tout ce que j’obtiens avec si peu ?’

Hegel dit que le système implique une ruse fondamentale qui est le contraire de l’artifice de la méthode. Il dit « je n’y suis pour rien » Coquetterie :« le savoir est ruse parce que s’oubliant lui-même dans son objet il voit cet objet devenir et se faire un moment du tout, c'est-à-dire se réfléchir dans ce savoir » dit Hegel.

Le système c’est l’Annonce faite à Marie. Si ces notions s’opposent ainsi on peut s’attendre à une polémique.

Reproches de la méthode au système : trois choses essentielles.

1Le système c’est l’homme qui se prend pour Dieu car il est inséparable d’un savoir absolu. Il s’accompagne d’un appel pour des moyens servant à dépasser la condition humaine. La méthode invite l’homme à assumer sa propre condition. Spinoza, troisième genre de connaissance = coïncidence avec Dieu. Certes la condition humaine subsiste, il fait partie de la nature Il y aura toujours de la passivité dans l’une. Mais il n’en pense pas moins qu’il y a des moyens par lesquels l’homme peut conjurer les inconvénients de la condition humaine. Bergson : » la philosophie devrait être un effort pour dépasser la condition humaine ». La méthode réalise toutes les virtualités de cette condition.

2 Deuxième objection de nature politique. A tort ou à raison philosophes flairent un danger pour l’homme dans le système qui se lie à la tyrannie politique. Le système est totalitaire. Sans faire de grossier contre sens sur Hegel il a tout de même vu à un moment où sa philosophie se réalisait dans le régime prussien. Et Spengler dans le Destin de l’Occident. Les systèmes sont souvent liés à un régime totalitaire.

3 Troisième objection : troisième mystification. Le système se réclame toujours de l’a priori et semble montrer du mépris pour la simple expérience. Schelling dit que le système réintroduit l’expérience par la porte de derrière. Le système semble apte à justifier tout. En fait il érige la nécessité de fait en nécessité rationnelle. Identité entre le réel et la raison (Hegel) dénoncée comme une confusion intolérable entre le fait et le droit.

Ce sont ces trois objections auxquelles il faut répondre même si elles peuvent paraître fausses.

Inversement le système reproche à la méthode deux choses.

1-Elle laisse toujours subsister une double extériorité de telle sorte que la philosophie perd son véritable but.

Deux pôles dans la méthode. « Discours sur la méthode de la certitude » de Leibniz. Il reproche à Descartes d’avoir confondu méthode d’invention (un pôle) et méthode de certitude (autre pôle). La première prétend retrouver ou reproduire par des moyens originaux un objet qui d’autre part est déjà produit par l’invention. L’homme est en situation dans une nature qui lui préexiste. L’homme invente des objets qui lui sont donnés d’autre part sous une autre forme dans la nature. Le mécanisme c’est un ensemble de moyens par lesquels l’homme reproduit ce qui est donné dans la nature par des moyens originaux. Texte étonnant de Descartes quand il s’attaque à la biologie (Traité du Monde). « Je suppose qu’il y est là un organisme et ma question est : Comment peut on reproduire cet organisme ». L’homme retrouve ce que la nature fait grâce au mécanisme mais cela ne veut pas dire que la nature agit mécaniquement. C’est en tout cas un autre problème. Dans la mesure où la méthode est une règle originale de la reproduction l’essentiel d’elle ce sont les règles originales appelées mécanisme, machines. Première extériorité suppose celle de la nature. Deuxième pôle, méthode de la certitude.

Dans l’évolution même de son œuvre Descartes semble être passé du premier pôle au second. Dans les Regulae elle est rattachée à l’ingénieur. Elle est avant tout méthode d’invention. Puis elle est rattachée au bona mens (bon sens). Changement dans la méthode, elle a pour pôle fondamental la certitude. Son extension des mathématiques à la science dans son ensemble c’est la certitude mathématique et non les procédés. (Il sait que ce ne serait pas possible pour tout). La méthode d’invention supposait une nature, celle de certitude aussi. Il s’agit de retrouver par des moyens artificiels une pure nature de la pensée. Descartes dit il y a une droite nature de la pensée mais nous êtres pensants ne sommes pas égaux à cette nature. La méthode nous différencie. La méthode élève l’être pensant jusqu’à ce qu’il rejoigne la pure pensée. Dans les deux cas la méthode suppose donc toujours une nature. Il faut donc reconnaître la justesse de cette phrase de Hegel : « dans une méthode la conformité au but est toujours extérieure. » L’avantage du système sera : il a su accéder à une véritable intériorité du système et de son objet.

Donc la méthode d’invention représente par un mouvement original ce qui est déjà produit d’une autre façon.

La science universelle de Descartes est de quel côté ? Galilée pense qu’il y a aussi une unité de la matière et de la nature. Descartes c’est l’unité du sujet connaissant. « Toutes les sciences ne sont rien d’autre que la sagesse humaine qui demeure toujours une et toujours la même si différents que soient les objets auxquels elle s’applique ». Cf. les natures simples chez Descartes. Un triangle inscrit dans un cercle n’est pas moins simple que le triangle lui-même. Dès lors ce n’est pas sur l’objet que porte la simplicité. La méthode qui actualise cette simplicité de l’acte connaissant quelle est t’elle ? Il y a une nature de la pensée qui transcende tous les objets qui se présentent à elle. Le problème c’est de rejoindre grâce à la méthode cette nature car notre nature n’est pas identique à celle de la pensée. « Il faut supposer un ordre même là où les objets ne se précèdent pas les uns les autres ».

C’est là que s’agrippe la critique de la méthode par le système qui lui se réclame d’une intériorité totale. Ce qui distingue l’organisme d’une machine dit Kant c’est qu’elle n’a pas une énergie formatrice.

L’intériorité du système est double.

1- dans sa perspective la reproduction ou la réalisation ne fait qu’un avec le mouvement même de la chose. Cf. Spinoza

2- intériorité et réciprocité de la pensée et de son objet. A chaque figure de la pensée répond un certain type d’objet.

La méthode se réfère toujours à une nature qu’elle essaye toujours de reproduire ou de rejoindre. Elle se réclame d’une nature extérieure. Il se réclame d’une vie interne ou d’une histoire enveloppée.Le système se réclame soit d’une vie qui le parcourt, soit d’une histoire qui le développe. D’où l’idée de moment lié au système de parties biologique.

II Principe et fondement dans la méthode.

A ) Thème général.

1 Descartes nous dit que la vraie méthode est nécessairement analytique et pourtant, dit il, j’emploie aussi souvent la méthode synthétique dans les réponses aux objections, mais c’est seulement pour l’exposé.

Question : si l’homme était Dieu proposerait il synthétiquement ? Peut être, encore que Descartes n’en est pas sûr. La méthode synthétique est alors de toute façon seulement constitutive d’une démarche divine. L’analyse est la seule démarche pour l’homme à cause de sa situation dans sa nature.

2 Spinoza se réclame d’une méthode synthétique. Cf. Les Principes de la philosophie de Descartes. Il va exposer le cartésianisme comme Descartes ne l’a pas fait vraiment.

L’Ethique expose par une démarche synthétique. Ainsi il s’est mis du point de vue de Dieu ( Premier livre : De Deo)

1 Kant connu pour son emploie de la synthèse. En fait elle est toujours

dépendance. L’analyse reste fondamentale. Il s’en explique dans les Prolégomènes et dans Analytique transcendantale. Différence avec Descartes du fait qu’elle devient transcendantale l’analyse devient principe d’une synthèse pour nous.

2 Les post kantiens recommencent l’histoire. Salomon Maimon et Fichte font du

kantisme une critique d’une richesse extraordinaire de Kant. Ils veulent réaliser l’idée critique de Kant. Ils disent que son grand mérite fut de trouver le transcendantal mais il n’aurait pas réussi à s’élever à une méthode synthétique. Chez Kant le fondement reste lié à un jugement simplement hypothétique. Il appelle constamment les faits pris comme faits, physique et mathématique.

3 Dans la Critique de la Raison Pratique le fait de la morale, les mœurs. Kant

évoque même un fait de la raison, la loi morale. A partir de là il cherche les conditions de possibilité de ces faits. Il faut qu’il y ait des conditions qui le rendent possible pour Kant si ceci existe. Kant a eu le mérite de découvrir le transcendantal mais n’en a pas compris la nature. Il doit y avoir une genèse transcendantale pour Fichte. Le transcendantal ne doit pas seulement chercher les conditions des faits présupposés mais être la genèse du conditionné au lieu de se le donner tout fait.

Fichte va réclamer la méthode géométrique qui sera la synthèse. Maimon prépare une méthode qui transforme le jugement hypothétique de Kant en jugement catégorique. Ainsi leur thème commun est de substituer à la méthode kantienne une méthode génétique et synthétique.

Ainsi dans son essence la méthode est démarche analytique. Elle est bien la seule démarche possible de l’esprit humain s’il est vrai que cet esprit dans l’ordre de la recherche n’a pas les moyens de procéder par synthèse. Si au niveau du transcendantal il peut y avoir une synthèse, si Fichte et Hume ont raison, alors la philosophie est système.

b) Images des sciences de Bacon. C’est une interprétation très curieuse du

platonisme. L’homme n’est pas du tout dans la même situation que Dieu. Chez lui l’action est comme la conséquence immédiate de la connaissance. Il conduit les idées et son action consiste à combiner les idées. Les caractères ce sont les lettres. Les idées sont les lettres. C’est l’alphabet divin. Sa démarche est donc synthétique. Voltaire, Dictionnaire philosophique, lettre A. Il est curieux de voir qu’il n’y a pas de mot pour désigner l’ensemble des lettres. Alphabet (a b) c’est comme si on appelait la numérotation 1,2.

Les Stoïciens se servaient d’un mot sans sens pour désigner le mot qui n’avait pas de sens. Ce mot c’était lecture ( ?) en grec. Son de certains instruments à corde et par les Stoïciens le mot qui n’a pas de sens, le mot absurde, non pas l’absurde mais qui désigne l’absurde. Et le mot qui n’a pas de sens n’appartient à aucune règle. Pour Voltaire ce mot qui n’a pas de sens c’est alphabet. L’art de tous les arts est désigné par un mot qui n’a pas de sens. La situation de l’homme c’est justement d’être dans un monde tout fait. Bacon ne demande pas de substituer l’action à la connaissance mais il demande comment l’homme peut rejoindre la vérité avec d’autres moyens. Démarche inverse : l’homme connaît en agissant. L’homme ne peut retrouver que par l’action la véritable connaissance. Il s’agit de dévoiler les complexes non pas pour retrouver les caractères. Analyse et synthèse ne sont pas deux opérations inverses. L’homme devra s’arrêter à une intermédiaire : les axiomes moyens qui sont les principes relatifs à la situation de l’homme.

Descartes nous disait il ne faut pas confondre l’ordre de l’être et l’ordre de la raison. L’idée de Dieu infini est découverte dans la 3eme Méditation. Le cogito est premier dans l’ordre de la connaissance bien qu’il soit second dans l’ordre de l’être. Il suppose Dieu. Le principe dont la méthode se réclame est bien principe de l’ordre de la connaissance. Elle a sa propre mesure. Le principe est donc ce qui est premier.

Les axiomes moyens sont seconds par rapport aux idées (caractères de l’être) mais ils sont principes (premiers) parce que pour la connaissance ils sont principes.
Quels sont ces axiomes ?

Platon proposait la division : partir d’une matière, la diviser en deux, à gauche, à droite. Prendre la droite et la diviser en deux et ainsi de suite jusqu’au moment où on ne peut plus diviser. Cf. le Sophiste qui est ce que la pêche à la ligne…

Selon Bacon c’est ainsi qu’il faut procéder dans les expériences scientifiques. C’est ce qu’il appelle induction. Rapport original qu’on pourrait expliquer ainsi : rapport de détermination. La ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre. Qu’est ce qui est sujet et prédicat ? Traduction : le plus court est la règle à partir de laquelle je détermine la ligne comme droite. L’axiome moyen est précisément ce rapport de détermination. Le plus court chemin est la règle de la détermination. Kant : synthèse à priori, c’est cette règle de construction. Ex. 7+5=12. La synthèse n’est pas entre d’une part 7+5 et d’autre part 12 qui n’est pas un symbole conventionnel. Elle est dans + qui est la règle de construction par laquelle je détermine 12 à partir de 7 d’une part et 5 d’autre part. C’est cela la synthèse à priori. Quand Bacon parle des axiomes moyens il nous dit que c’est la règle de détermination physique (il ne s’occupait pas de mathématique) qui détermine ne différence. L’axiome moyen de la chaleur c’est la règle à partir de laquelle je produis de la chaleur à partir du froid. C’est le système des essences appliquées… Les fameuses tables d’induction de Bacon, présence, absence, degré. Il est bien premier dans l’ordre de la connaissance elle-même.

L’axiome moyen était peut être premier et celle de notre connaissance des choses ne l’est pas. C’est ce principe moyen qui peut prendre des sens différents selon les niveaux.
Quatre niveaux de méthode :

1- Détermination de l’ingenium.

Sa formule revient à reproduire en inventant parce qu’elle se fait par des moyens originaux. La situation de l’homme dans la nature n’est pas celle de Dieu. Lorsqu’il reproduit il découvre seulement les axiomes moyens.

A ce premier stade on comprend le rapport entre méthode et mécanisme. Cela c’est l’ensemble des moyens originaux. Première inspiration du mécanisme, tout se passe comme si la nature procédait mécaniquement. Il rend compte exactement de la situation de l’homme dans la nature.

2- Elle se réclame des mathématiques.

Si l’homme peut reproduire par des moyens mécaniques n’est on pas tenté de laisser dans la simple indifférence la production naturelle telle qu’elle se fait ? A condition de traiter le monde comme une fable. Le monde externe faible (cf. son portrait, le monde « mundus est fabula ». La nature perd son être, elle passe dans l’actualité. Le monde est une fable et en ce sens il est justiciable d’une construction mathématique.

Troisième niveau métaphysique.

Unité d’un principe subjectif. La méthode se réclame de la détermination d’un principe de la connaissance. Cela suffit il ? La méthode est bien cela, elle ne se présente jamais comme genèse de la chose elle-même. Dès lors la méthode ne demande t’elle pas une métaphysique ? Descartes nous dit de ne pas confondre la façon dont la méthode nous invite à reproduire la chose et la manière dont la chose se reproduit. Elle réclame aussi un fondement métaphysique qui rendra compte de ce fait prodigieux : la nature se conforme au principe de cette connaissance. Ainsi Descartes invoquera une véritable théologie, une véracité divine pour garantir la conformité du réel.

Deux sens de principe :

a) exigence de la connaissance au nom d’un droit (cf. autre chapitre)

b) au sens de fondement c’est ce qui rend compte de la soumission nécessaire du donné au principe de cette exigence.

Ce qui est premier, le principe subjectif, est en même temps posé second dans l’ordre de l’être ou dans l’ordre du fondement lui-même. C’est le sens de la notion de méthode. Elle exige que nous ne confondions pas l’ordre de l’être et celui des raisons de la connaissance. Elle réside dans la distinction des deux ordres. Alquier, cartésien moderne, pense que les philosophies du système confondent ces deux termes. La situation de l’homme est donc ambiguë, l’homme est à la fois supérieur aux objets de pensée et inférieur à l’être lui-même. Le tort du système sera de confondre l’être avec l’objet étudié.

Cette distinction des deux ordres est elle bien fondée ?

d elle est peut être nécessaire pour les éclaircissements qu’elle nous donne.
Un texte mystérieux de Freud dans « Au-delà du principe de plaisir ». Ce principe règne sur la vie psychique car l’inconscient est uniquement désir. En même temps il découvre qu’il y a tout de même un au-delà de ce principe qui est le principe de répétition. L’inconscient cherche à rétablir le passé. Freud n’est jamais revenu sur ce principe de répétition et pourtant dans sa dernière œuvre il nous dit « le principe de plaisir est vrai ( in Abrégé de psychanalyse). Comment ces contradictions sont elles possibles. Il faut distinguer pour cela deux sens.

Le principe de plaisir est bien celui de la vie psychique. Mais ne faut il pas un fondement qui rende compte de la soumission de la matière psychique à ce fondement ? La contradiction disparaît alors. Il y a bien un principe au-delà du principe Cf. à le fin du livre VI de la République de Platon. Le monde sensible lui-même se divise en deux. Ses images sont des reflets dans les eaux. L’image est donc un trompe l’œil. Jamais la psychologie de l’imagination n’est séparée de la physique de l’image. Même rapport entre le monde intelligible et le monde sensible. Equivoque : deux interprétations. Il y a des idées dont la nature est mathématique et des idées dialectiques. Autre interprétation : mathématique et dialectique seraient des manières de traiter l’objet. Le mathématicien part d’hypothèses. Il suppose en principe l’existence du carré en lui-même, du pair et de l’impair …etc.

Le principe est hypothétique. (cf. les sciences mathématiques sont hypothético déductives) Pour la dialectique au contraire c’est à partir des hypothèses qu’on s’élève jusqu’au principe anhypothétique, inconditionné. Est-ce les mêmes hypothèses ?

Principe= principe de la connaissance est bien hypothétique puisqu’il part de ce que la connaissance est un fait. Si elle existe tel est son principe. On retrouve la première signification du principe.

Lorsque Kant parle du principe inconditionné c’est là seulement qu’il y a détermination utile ou fondement. Dans une telle perspective toute la complication est celle-ci : comment sera conçue la connaissance ? Que représentera t’elle ? S’il est vrai que la connaissance se présente comme une méthode par rapport au principe subjectif dont elle dépend, elle ne se présente pas comme une méthode par rapport au principe qui la fonde et dès lors elle est système.

Un auteur plus que tout autre a vu cela, c’est Kant.

A Système et critique kantienne.

Critique de la Raison Pure,Esthétique transcendantale, Analytique transcendantale,

Dialectique transcendantale ne sont pas sur le même plan.

Les vraies parties :

1 théorie transcendantale des éléments dont esthétique, analytique et dialectique sont les éléments. Analytique et dialectique sont des divisions de la logique transcendantale.

2 Méthodologie transcendantale, celle qui reste le plus souvent inconnue. Kant dit que tout son livre introduit la seconde partie. Moins de 100 pages pour la méthode.

La première partie introduit à la méthodologie.
Le plan de la méthodologie :

1) discipline de la raison pure

2) canon de la raison pure.

3) Architectonique de la raison pure

4) Histoire de la raison pure

C’est une analyse : la première partie (analytique =pièce maîtresse). Elle rapporte la connaissance comme méthode à un principe. Mais dans le cadre de cette méthode la connaissance est aussi rapportée à un fondement. Alors elle devient vraiment un système. Kant partira de rien. Les Post kantiens se donneront comme tache de réaliser la systématique que Kant n’a pas pu développer.

Quels sont ils ? Salomon Maimon, Fichte, Schelling,Hegel. Le système va prendre radicalement la place de la méthode. Hegel va jusqu’à dire : « c’est un grand contre sens de dire que la dialectique est une méthode, c’est un mouvement des choses elles mêmes » Il faut aller jusqu’à une méthode synthétique et génétique. Déjà le système des choses a remplacé la méthode de la connaissance des choses.

L’analytique de Kant

Analyser c’est diviser, séparer. La question est : en quoi divise t’on ? En éléments. Il faut à partir de la chose remonter vers ses conditions. Cette démarche sera encore analytique. Les éléments pour Kant sont bien des conditions qui rendent la connaissance possible. Une telle analyse ne reste pas sur le plan même de ce qu’elle analyse. Les conditions ne sont pas sur le même plan que le conditionné en ce sens qu’elles rendent possibles l’objet qu’elles conditionnent mais ne le composent pas.

Pourquoi garde t’il ces éléments ? La réponse est donnée dans le mot transcendantal. Il y a chez Kant une idée fondamentale de la philosophie moderne. Etudier le qualificatif moderne.

Il y a une finitude de l’homme chez les cartésiens : relation homme/dieu assez précise. L’homme (son entendement) est fini. Ce qui est constituant c’est l’entendement infini de Dieu. Ce problème des limites de la connaissance n’est pas de fait mais de droit. Kant : l’idée d’un entendement infini perd son sens, n’est nullement une idée constituante. C’est seulement une idée régulatrice. D’où la critique de l’idée d’un entendement infini et il n’y a pas d’intuition intellectuelle. La grande nouveauté du kantisme n’est pas encore là. C’est qu’en même temps la finitude humaine en tant que finitude va être érigée en principe constituant de la conscience et du monde lui-même. Voilà en quoi Kant peut être dit premier dans la philosophie moderne. Il rompt l’alternative classique. Heidegger, «Kant et la métaphysique »Ce que appelle l’existence elle a pour essence la finitude qui ne fait qu’un avec le véritable pouvoir constituant. La philosophie s’oriente bizarrement : c’est en temps que l’homme n’est pas Dieu, est fini, qu’il est constituant du monde. Kant en ce sens est entièrement premier. Le problème c’est comment poser une telle finitude. Chez Heidegger, l’existence, chez Kant, le schématisme ou l’imagination transcendantale. Dans « L’évolution créatrice » Bergson nous dit deux fois que c’est important de dire que l’élan vital est fini.

Le principe constituant n’était rien d’autre que le dépassement de sa finitude. Ou alors l’homme reste enfermé dans le cadre de sa finitude et son état sera nécessairement constitué (cf. l’empirisme)

Kant pose et laisse un problème à la philosophie, la finitude comme telle en tant que finitude est constituante. Avant lui on faisait tourner le sujet autour de l’objet (cf. Ptolémée) Il prétend découvrir la dimension de la subjectivité (cf. révolution copernicienne). Il fait tourner les objets autour du sujet. Il ne s’agit pas d’élever l’homme à la place de Dieu. L’être raisonnable est défini au contraire par opposition à l’infinité. Il n’a pas d’intuition intellectuelle. D’où l’extrême équivoque et richesse de Kant. Ces auteurs de Kant à Heidegger donnent à l’homme les pouvoirs d’un Dieu. En fait ces philosophies ne donnent pas à l’homme de tels pouvoirs. Ils donnent à la finitude le caractère constituant et n’élève pas de tout l’homme à l’infini.

Où est le problème ? Pourquoi « La Critique de la Raison pure » n’est elle pas suffisante ? Pour arriver à la position formelle il a fallu toute une histoire. Les Post kantiens reprochent à Kant de n’avoir pas su s’en tenir au problème et d’avoir réintroduit les questions que ce problème chassait.

Rencontre entre les Post kantiens et Heidegger dans son livre sur Kant nous invite à une répétition de l’entreprise kantienne. Son grand thème sera d’une finitude constituante.

Kant est le premier à faire de la finitude la plus profonde celle de la raison elle-même, le constituant même de l’être raisonnable. C’est la dualité du concept et de l’intuition qui est constituant. Nous sommes soumis aux conditions de l’intuition comme à notre réceptivité. Tout cela au niveau de la raison pure. L’homme a un corps parce qu’il est fini. Chez Descartes d’abord le cogito est à la première personne (finitude). L’homme constitue le monde de sa propre connaissance.

Trois points d’objection au kantisme par les Post kantiens.

1) Est-ce que la révolution copernicienne est suffisante ? Il s’agit

d’une analogie quand Kant dit « je fais un rêve copernicien » Elle est à étudier du point de vue de sa forme. En ce sens Kant a bien raison (révolution aussi profonde). Du point de vue de la matière il n’en est pas ainsi. En ce sens Kant est bien plus près de Ptolémée que de Copernic. Il met l’homme au centre. Dans la tentative kantienne subsiste la simple hypothèse. Kant reste attaché, dit Fichte, à la simple facticité et lui Fichte cherche la genèse.

Kant recherche des conditions, par exemple la connaissance cela implique qu’on parte du supposé de l’existence du conditionnel. Ainsi pour la morale kantienne. On se donne la morale comme un fait à partir duquel on remonte aux conditions. Fichte y voit un fait empirique. Pourtant Kant au début des Prolégomènes dit dans La Critique de la Raison Pratique je me servais d’une méthode synthétique alors que dans les Prolégomènes c’est une méthode analytique parce que c’est un ouvrage destiné au grand public.

Dans l’esprit de Fichte sa critique porte sur tous les ouvrages. La distinction de Kant n’est pas aussi nette qu’il veut bien le dire. Pour les ouvrages de vulgarisation, très bien (pour les mœurs par exemple), appel à la conscience populaire. Dans les Critiques il n’y a pas des faits extérieurs.

La différence entre les Critiques et les ouvrages de vulgarisation c’est que dans les Critiques il y a bien une méthode synthétique. Là il part, seule différence, de faits particuliers, les faits de la conscience. De toute façon il part de faits qu’il suppose. D’où Fichte dit «Kant ne s’est jamais élevé à l’analyse transcendantale. Son analyse est seulement régressive. » Au lieu de faits supposés il faut partir de faits dont on aura la genèse. C’est alors plus une méthode génétique qu’une analyse. Fichte ne cesse d’insister sur l’importance d’un mot : substituer, acte de la conscience au fait de la conscience. Kant ne s’élève pas jusqu’à la position d’un pur acte. Lorsque Kant arrive à la méthodologie, avons-nous dit, il est arrivé à son but. Cf. Lettre de Kant à Marcus Herz. Livre bien curieux « Opus postum ». Développement qui semble prouver que Kant tournait à Fichte, au postkantisme. La méthodologie transcendantale la plus courte est la plus importante. La théorie des éléments est une théorie des matériaux : esthétique =réceptivité, logique = spontanéité, concept.

Quelles maisons peuvent ils composer ? C’est l’objet de la Méthodologie transcendantale. Dans l’architectonique conditions sous lesquelles notre connaissance s’organise en un véritable système. Il faut que notre connaissance ne soit pas un agrégat. Il faut qu’elle forme un système ? La présence d’une idée, notre conscience, doit se présenter comme un tout organique. Le système est toujours compris dans les limites précédentes d’une méthode analytique. Problème chez Kant : l’analyse en devenant transcendantale n’exclue plus le système mais le maintient encore dans ses propres limites. En ce sens elle ne va pas assez loin.
Distinction de deux sens du mot principe : hypothétique (différence) et fondement (cf. plus haut). Chez Kant la détermination d’un fondement est plus profonde que celle du principe hypothétique et dès lors il ne va pas jusqu’au bout de ce à quoi nous renvoie la question du fondement. C’est seulement en se donnant la connaissance comme un fait que Kant arrive à dire pourquoi le donné est soumis à la connaissance ?

Faut il passer par ce détour hypothétique ? Il est bien forcé parce qu’il arrive à ce système.

c) Intuition et concept chez Kant et Fichte.

Kant : 1) seule connaissance légitime celle qui opère à la fois par intuition et par concept.

2) l’intuition et le concept ont deux sources radicalement diverses et c’est

leur dualité qui définit notre finitude. C’est un fait que notre entendement n’est pas infini. Le refus de l’intuition intellectuelle repose sur le fait que si nous l’avions notre entendement serait infini et unité absolue du concept et de l’intuition, c’est-à-dire du sujet et de l’objet de la représentation et de la chose. Nous ne connaissons pas les noumènes ni les choses en soi. Nous ne connaissons pas la chose en elle-même, la chose en soi. Est-ce que cela implique une restauration de l’entendement fini ? Si on peut concevoir une intuition intellectuelle qui se rapporte à notre finitude alors il faudra parler d’une finitude constituante. Kant au contraire de cela a raison. Pourquoi ce mot intuition ? L’espace et le temps seraient irréductibles à tout concept. L’état de chose donné à l’extérieur du jugement = l’intuition. On ne peut pas, dit Kant, sans contradiction faire de l’espace et du temps des concepts. Obscurus sum sed distinctus dit le concept. Il y a beaucoup de théologie sur la philosophie. Le droit, le fondement lui-même implique la position de l’entendement infini. Kant déjà laisse la porte ouverte à une sorte de réintroduction de l’entendement infini. Rendre compte du caractère systématique de la nature. Il a seulement un rôle réfléchissant. Mais jamais cet entendement n’a un rôle constitutif. Position de la finitude en elle-même comme constitutive.

Si le concept et l’intuition font deux le concept seul ne nous fait rien connaître. Cette dualité se développe dans la Critique : le concept renvoie à l’espace et temps, l’intuition renvoie à ces catégories. L’idée d’un entendement infini perd tout sens. Réceptivité et spontanéité . Dans les Prolégomènes et dans l’Esthétique même seul objet l’espace et le temps, ne sont pas réductibles à un même concept. Pour un même concept il y a toujours plusieurs objets possibles. C’est le problème de l’espace. Un concept étant donné plusieurs objets lui correspond (critique de Leibniz). Quelle sera la nature de la différence entre ces objets. La différence dans l’espace est sur le mode : c’est là…le temps et maintenant. L’espace et le temps sont alors d’un autre ordre que ceux du concept. Cf. le paradoxe des objets symétriques qui n’apparaît que dans les Prolégomènes. Où est la différence ? La troisième dimension est condition de la superposition. Il y a une droite et une gauche, un avant et un après.
Pour Leibniz chaque fois qu’il y a deux objets il faut en droit deux concepts (principe des indiscernables). L’ordre de l’espace et le temps est irréductible à tout concept si bien que pour deux choses différent le concept peut être radicalement identique.

Le second aspect de notre finitude : l’objet en général, transcendantal égal x I. Le concept pensé par lui-même se détermine comme objet de la conscience. Principe pour les objets : tout le sens des mathématiques c’est qu’elles sont le système de construction pour produire dans la diversité les objets semblables au concept.

Le premier problème, comment le concept peut il trouver un objet qui lui corresponde ? Doit se rapporter à un objet, à quelque chose. Le problème qui nous reste : est ce que Kant avait raison de lier la finitude à une dualité du concept et de l’intuition ? N’y a t il pas moyen de rendre compte dans le concept d’une unité du concept et de l’intuition tout en maintenant la finitude de l’entendement comme constituante ? Ce que Fichte lui objecte finalement c’est vrai. Il n’arrive pas à une genèse. Une telle restauration aurait comme conséquence de fonder le système et de fonder le fondement comme système. Mais ne pas oublier la genèse. Il y a comme une auto formation du système dit Hegel. Ce dernier point permettrait de répondre à la question de ce chapitre : le système objectait on impliquait que l’homme se mettait à la place de Dieu.

IV Finitude et fondement

Comment un moi fini transcendantal peut il acquérir un pouvoir constituant ? Quant à la réceptivité elle ne doit pas être un caractère accidentel mais essentiel du moi.

Une phrase de Heidegger dans « Kant et la critique de la métaphysique » : « Plus originaire que l’homme est la finitude de l’existence en lui » La finitude ne doit pas être comprise à partir d’une nature empirique.

Des directions de l’analyse, trois qui sont apparues chez les Post kantiens et n’ont pas encore complètement été explorées.

Salomon Maïmon , vie bizarre en dents de scie, grandiose et misérable. Il était rabbin. Goût pour les fugues. Mort dans une très grande misère. Il s’agit pour lui de substituer à la dualité entendement infini, entendement fini une dualité intérieure ou m ? Fini lui-même.. Ce sera une dualité entre le conscient et l’inconscient lui-même (non freudien).

Les concepts de Kant ne déterminent pas toutes les variations de l’expérience. Au nom,par exemple, de la catégorie de causalité on sait que les phénomènes sont soumis à des lois mais cela ne me dit pas à quelle loi particulière tel phénomène est soumis. Ainsi la Critique du Jugement essaye de répondre à cette question laissée en suspend dans la Critique. Kant n’a pas su donner une véritable genèse. Maïmon reproche à Kant d’avoir cru que c’était la réalité de la construction qui fondait la possibilité transcendantale du concept. Il faut que cette possibilité préexiste à la construction qui ne fait que la révéler. Maïmon demande qu’on trouve un principe intérieur de la construction. Ce principe n’est il pas chez Kant ? cf. le schématisme dans la Critique « sont profondément cachés, enfouis dans les secrets de la nature. N’est ce pas déjà ce que Maïmon réclame ? Un concept ne détermine pas par lui-même son objet. Il faudra une règle qui sera acte de l’imagination et aussi productive. Cf. le romantisme allemand. Novalis où l’imagination devient constitutive du monde. Pourtant Maïmon dit que c’est bien la construction qui garantit la possibilité du concept. Il pense que si un principe intérieur au concept est trouvé dès lors la dualité kantienne entre concept et intuition est dépassée. L’exigence de Maïmon est donc excellente. Il donne successivement deux réponses qui concernent les mathématiques et la physique.. La première est le principe de déterminabilité (ou parfois détermination). La ligne droite est le plus court chemin… Opposition entre « droite » et « le plus court ». Mais demande Maïmon droit et non droit se contredisent ils comme court et le plus court ? Que la ligne droite ne soit pas droite, il y a compossibilité logique tandis que si on dit la ligne droite n’est pas le plus court. C’est faux mais pas de la même manière. Le plus court est la règle de construction à partir de laquelle je détermine une ligne comme ligne droite. Droite paraissait le sujet en fait c’est une détermination tout à fait externe. La ligne est produite comme droite. Ce qui est véritablement interne c’est le plus court qui détermine la ligne comme droite.

Trois éléments dans le jugement synthétique.

1 Le déterminable. Ici ligne.

2 Le déterminé. Ligne droite.

3 Le plus court ne fait qu’un avec le concept car c’est vraiment le déterminant. La légitimité des mathématiques repose sur la dualité du concept avec ce déterminant.

Mais la vraie difficulté était au niveau de la physique. Les objets de l’expérience étaient ils déterminés ?

Etrange réponse de Maïmon : de kantien il se retrouve leibnizien. Leibniz avait découvert l’analyse infinitésimale. Ce qui le frappe c’est la notion de différentiel. Une quantité plus petite que toute quantité donnée lui permet de se réclamer d’un outil mathématique et aussi d’un concept métaphysique : la théorie des petites perceptions. Ainsi le bruit de la mer est composé des chocs des gouttes. Maïmon cette fois tenait sa réponse. Il appelle sa théorie : différentiel de la conscience. Lorsque la genèse est interprétée comme différentielle. L’élément générique n’est pas conscient. Mais la notion de composition est renouvelée par analyse infinitésimale. Les éléments ultimes sont différentiels. Il y a des différentiels de la conscience qui sont les éléments ultimes génériques de la conscience elle-même qui par la même ne sont pas donnés à la conscience. La genèse transcendantale de la conscience est donc possible grâce à la différentielle. Maîmon présente sa philosophie comme une synthèse de Kant et Leibniz. Ainsi sa réponse consiste en ceci : à la dualité extérieure il substitue dans le moi lui-même la distinction de la conscience finie et de son élément générique infiniment petit. Chez Leibniz la découverte de l’infiniment petit avait donné une possibilité ? Or en théologie l’infini c’est toujours l’infiniment grand. Leibniz semble vraiment rencontrer une autre dimension. Il découvre l’outil mathématique capable de m ? cet infiniment petit. Chez Leibniz les deux directions finissent par se réconcilier mais non sans difficulté. Leibniz veut en effet les deux à la fois. L’infiniment petit avec Maïmon vient réellement prendre la place de l’infini du grand traditionnel. Alors l’infiniment petit devient principe génétique du fini. Pour l’infiniment petit le fini prend un pouvoir constituant.

Seconde direction Fichte pense à son tour que Maïmon n’a pas été jusqu’au bout. Il veut substituer au conscient (? ) une double déduction. L’objet est pour un sujet mais différent de lui. L’objet n’est rien d’autre que le produit ou la fu ? d’une c ? que le moi fini se posait. Une double série : Kant a confondu les deux séries et c’est pourquoi il n’a pas une détermination fondamentale du temps. La finitude et le temps ne font qu’un. Que va être la genèse du temps ? Le problème : comment distingue t’on à chaque instant dans le temps un passé et un futur. Equivoque du mot présent. Nous n’en sortons pas et pourtant il est toujours autre que lui-même. A ce niveau le temps peux se présenter comme une succession de purs présents et nous projetons vers des présents à venir (renvoie à la volonté comme faculté psychologique). Pour Heidegger c’est transcendantal : il s’interroge sur les conditions qui rendent possibles dans l’existence le fait que …. Nous distinguons dans le temps à chaque instant passé et futur qui fondent la mémoire comme faculté psychologique. La finitude est constituante dans la mesure où elle organise le temps comme extase (en grec se tenir hors de soi). Il attend donc une solution de la temporalité. Organisation des trois extases du temps. Kant aurait vu cela dans les trois synthèses (passé, recognition,

Futur etc)

Les trois directions ainsi ouvertes se présentent ainsi :

1 A l’intérieur du moi, moi fini, moi différentié.

2 A l’intérieur de la conscience deux sens parallèles aux interfacts.

3 A l’intérieur de l’être lui-même dualité entre l’existant et les simples objets.

Conclusion

La dialectique avant Hegel implique une triple idée : conservation, discussion, contradiction. Au niveau thèse, antithèse la contradiction est entre les personnes qui parlent et non entre les choses elles mêmes. En ce sens c’est bien une méthode. Cf. Socrate : « la dialectique s’oppose aux longs discours ». Comment Hegel peut il transformer la dialectique en mettant la contradiction dans les choses elles mêmes ? La méthode alors est bien autre chose qu’une méthode c’est un système fondé.

Comment cela est il possible ? Il faut se mettre à la fin de l’histoire qui a deux fins, celle du régime napoléonien et son système qui est la fin de l’histoire de la philosophie. Y croyait il ? Il voulait nous dire qu’à chaque instant l’histoire est finie (bien qu’il ne le dise pas). L’histoire est faite à partir du présent. Sa règle est dans le mouvement et la suppression des contradictions présentes et non dans la pensée d’un futur. L’action se fait à partir du présent et dans le présent et à partir de contradictions à supprimer. En ce sens l’histoire est bien définie à chaque moment. Jamais Hegel ne donne tort à un philosophe, il lui donne raison en l’englobant, en en rendant compte. Lui Hegel achène, réalise Descartes qui est un moment de la pensée philosophique. Les philosophes qui l’ont précédé ont bien « existé ». Il ne prétend pas remanier leurs discussions mais reprendre le fil de l’histoire universelle qui passe par eux et dégage le sens de leurs discussions. Qu’est ce qui a « existé ». Les philosophes discutent. Mais demande Hegel qu’est ce qui répond à ces discussions dans le réel ?

Il y en a deux, répond il, une discussion plus profonde dans le réel : le travail et la lutte. C’est le signe de la négativité. L’homme est le mécontent du donné. La lutte est négation, transformation etc. C’est pourquoi la lutte et le travail sont des processus réels que la discussion des philosophes en second lieu prend son sens. La dialectique est alors déjà tout prêt devenir un système. Hegel n’a pu à faire de la dialectique. Voila pourquoi il appelle son livre « Phénoménologie de l’Esprit ». Description de telle manière qu’il surgisse quelque chose de ? Cf. Kojève. Voila pourquoi il faut attacher de l’importance à ce que dit Hegel : « J’arrive à la fin ». Il ne s’agit plus pour lui que de décrire, saisir, comprendre l e mouvement dialectique dans les choses.

Il nous faut dès lors répondre aux trois objections concrètes contre le système.

1) L’homme se met à la place de Dieu.

2) Le système justifie tout (cf. les états totalitaires)

3) Il y a en lui une mystification sauf s’il n’attendait pas l’expérience mais en fait il la réintroduit toujours.

Première objection. Résultat positif. Aucun n’a prétendu se mettre à la place de Dieu. Ambition plus petite ou plus grande (vision supérieure de Dieu). Quand Hegel parle d’un savoir absolu il nous dit « cela ne nous dévoile pas un monde autre que le notre. » Le savoir absolu est savoir de ce monde ci. Substitution de l’imagination transcendantale à l’entendement divin. Le point de vue du système remplace le concept d’entendement infini par l’imagination transcendantale qui est celui de la finitude constituante. Ainsi beaucoup de notions ne peuvent être conservées. Cf. la notion de création qui est une idée théologique qu’on doit comprendre à partir d’une volonté et entendement infini. Si celui-ci tombe l’idée de création ce peut être maintenue. Ainsi il est absurde pour un athée de conserver l’idée de création ou alors il ne peut plus se servir de concepts qui soient inséparables d l’idée de Dieu. Des lors la philosophie dans sa différence avec la théologie ne peut pas recueillir en tant que philosophie l’idée de création. Cf. la constitution Husserl et ses disciples. Genèse des Post Kantiens : sont des efforts pour rendre compte du monde en philosophie. Enfin il faudrait faire une grande place aux poètes et littérateurs du romantisme allemand. Novalis connaissait fort bien Kant. Il veut, dit il, faire une « philosophie » et non une psychologie de l’imagination. C’est par le même mouvement que la nature produit des herbes et des fleurs et que « j’imagine » dit il. Cela ne veut pas dire seulement que les images qu’a le poète sont comme des produits de la nature. Cela veut dire aussi que la nature cache ce qu’elle produit. Reproduction par des moyens artificiels. La chose est produite originalement par la nature mais de quelle manière on ne sait pas. On peut simplement la reproduire dans le laboratoire. Mais en revanche nous dit Novalis l’imagination est la faculté qui a comme correspondant dans les choses le mouvement même par lequel les choses se reproduisent. D’où le thème du romantisme allemand : rapport vérité et poésie. Il y a pour Novalis une vérité plus profonde de la poésie qui est que les images ne font qu’un avec le mouvement de la reproduction. Ainsi ce que Bachelard appelle une image (Cf. La Poétique de l’espace). On a voulu l’engendrer à partir d’autre chose dit il. Elle est en fait créativité pure. Elle est pur dynamisme. Il refuse toute explication psychologique ou psychanalytique de l’imagination. Il commente alors certaines structures. Cohérence romantique des deux parties de son livre. Pour obtenir la vraie image du carré il faut le dynamiser. C'est-à-dire qu’il faut amener quelque chose à se carrer. Je me carre dans un fauteuil. Mouvement qui est dynamisme premier de l’imagination. D’où la richesse qu’on peut faire rendre des grands textes poétiques. La racine imaginaire de la coquille c’est le mouvement par lequel elle se produit dans l’imaginaire avec cette spirale même.

Novalis veut dire que le mouvement par lequel nous imaginons ne fait qu’un avec le mouvement par lequel la nature produit des choses. Bien sûr à condition de savoir rêver, savoir que c’est une tension très particulière de la pensée : libérer les qualités de la chose qui a l’état de nature sont tenus prisonniers.

Tout le thème de Novalis a exactement son équivalent en philosophie pose le principe d’une imagination constituante. Dans le système l’homme ne se met pas à la place de Dieu car le système doit remplacer l’idée de création par d’autres concepts.

Seconde objection. En un sens elle est plus dangereuse. Une chose qu’on ne peut nier : la manière dont se réclame les régimes totalitaires en faveur d’un système. Mais au niveau du philosophe cf. la phrase de Hegel. Ce qui compte c’est le fait. Seul le résultat compte. Pour Hegel dit on souvent c’est la force qui fait le poids ‘cf. ses textes sur le régime napoléonien.) Mais si on est plus honnête et qu’on va voir le contexte, c’est une phrase allemande : réel pour lui n’est pas à confondre avec l’existant. Il en réserve le nom à ce qui est produit dans le réel. C’est le réel en tant que résultat d’une production. C’est ce qu’il y a de réel dans le produit de l’action. Cela change t’il le sens de la phrase ? L’activité est en même temps l’élément négateur. La dialectique repose sur l’élément négatif dans le réel. Ce qui est positif et ce qui est réel est produit comme la négation de la négation. Attacher de l’importance à la forme du principe de contradiction. A n’est pas non A. Là est née la négation elle-même. Ce qui est réel est raisonnable. Le mouvement strictement identique à la raison : le réel n’est pas n’importe quel existant. C’est ce qui dans l’existant est négation de la négation.

Du point de vue de la philosophie politique toute la philosophie traditionnelle peut d’une certaine manière s’interpréter dans l’apparence et l’essence mais cela suppose une théologie, deux mondes. Cf. toute la philosophie grecque plus l’interprétation traditionnelle.)

Le phénomène chez Kant n’a rien à voir avec l’apparence. Kant ne pense pas du tout que le phénomène soit l’apparence. Il pense que le phénomène est ce qui apparaît. Il oppose la chose en tant qu’elle est et la même chose en tant qu’elle apparaît. L’espace et le temps sont les déterminations immédiates de ce qui apparaît. Le mouvement de phn ? suppose la démolition du coup d’apparence à laquelle on substitue celui d’apparition. Ma notion d’apparition va se rapporter aux notions au lieu d’être de sens ou de signification. Il ne s’agit pas de découvrit l’essence par delà l’apparence et l’autre monde. La tache de la philosophie est de découvrir ce qui apparaît. L’essence n’est plus rien d’autre que la philosophie. Cf. le début de L »Etre et le Néant ». Heidegger prend « aléteia » , le dévoilement= la vérité en grec, à la lettre. Le sens est le sens de ce qui apparaît caché par le phénomène, l’apparition. Hegel dès lors développe le thème de l’état. Au lieu d’opposer une cité idéale renvoyant à un monde intelligible, à un monde vrai, il dit que l’essence, les états réels sont intelligibles. En ce sens tout ce qui est réel est raisonnable. Il ne faut pas croire que dans tout état se réalise l’essence de l’état. C’est la liberté de l’individu et l’autorité du gouvernement. L’un nie l’autre et pourtant tout état est constitué sur cette contradiction. Mais tous les états ne sont pas bons. Dans un régime tyrannique il y a suppression de la liberté du citoyen. Mais elle n’est pas absente, elle n’est pas supprimée une fois pour toute. C’est une besogne de tous les jours pour la police de supprimer la liberté. Le tyran n’en a jamais fini avec la liberté du citoyen. Cet état n’est pas pour autant raisonnable car ce qui est raisonnable c’est le mouvement du négatif contre le non négatif. La négation se nie. Il y a dialectique parce que la positivité n’est jamais que le produit de la négation de la négation.

Ceci nous amène à la troisième objection. La question de l’expérience. On prend quand on fait cette objection le système pour ce qu’il n’est pas. On demande alors au système de nous dire l’avenir. Même dans la Préface de la Phénoménologie, Hegel dit que la critique ne fait qu’un avec l’expérience. Il s’agit de décrire l’expérience telle que quelque chose échappe nécessairement dans l’expérience à celui qui l’a fait et c’est précisément le sens de cette expérience. Inutile car les conditions de l’action n’impliquent aucune condition de l’avenir de l’Etat futur. Elle trouve son point de départ dans la contradiction présente.

CONCLUSION

Cinq points.

1 - Pour comprendre le sens du fondement nous avons vu qu’il fallait le rapprocher de la notion mythologique. Trois caractères ont été reconnus :

- une origine plus profonde que le simple commencement.

- la répétition.

- La chose y prend une valeur de monde. ( La cité est fondée à l’image du monde).

2 - Ces caractères peuvent ils prendre une signification philosophique ?

Le fondement n’est pas le simple commencement qui lui est le rapport de la chose avec ce qu’elle n’est pas quand ce rapport devient essentiel. Le commencement des mathématiques est le rapport des mathématiques avec une culture qui ne comportait pas encore de mathématiques.

Quelle est la démarche au contraire du fondement ? Il est nécessité du commencement par rapport à la chose. Kant nous montrait qu’il fallait appeler fondement un principe à double opération ; il rendait possible quelque chose en rendant nécessaire la soumission de quelque chose à ce quelque chose.

L’opération du fondement consiste à rendre nécessaire la soumission de la chose à ce qu’elle n’est pas. Il fallait s’élever au plan des exigences de la raison. La seule opération est celle du fondement. L’exigence n’a pas de principe de quelque chose d’autre sans qu’en même temps quelque chose d’autre soumette le donné à l’exigence. Conception du monde chez Heidegger.

3 – Il s’agissait de l’autre aspect des rituels, la répétition. L’idée du principe qui fonde nous invite à prendre une répétition originale, une répétition psychique.

4– Dans cette répétition psychique il faut que quelque chose de nouveau soit produit, dans l’esprit, dévoilé. Réponse à la question : « à quoi sert de fonder ? » Répéter sert à quoi ? Quelque chose de nouveau est produite dans l’esprit dévoilé. Ce qui est dévoilé (dernier chapitre) c’est la véritable structure de l’imagination, à savoir le sens qui ne peut être compris que par et dans l’entreprise de fonder qui bien loin de supposer un point de vue de l’infini ne faisait qu’un avec le principe de l’imagination.

5- Sans le fondement impossible de distinguer les vrais et les faux problèmes.